Tribune collective signée par Malik Salemkour, président de la LDH
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Une trentaine d’organisations de la société civile française expriment leur solidarité avec les populations touchées par la guerre en Ukraine, mettant l’accent sur l’accueil indiscriminé des personnes, contre un traitement à deux vitesses vis-à-vis des personnes fuyant d’autres conflits dans le monde.
Depuis la nuit du 23 au 24 février, après que Vladimir Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine, plus de 10 millions de personnes ont été déplacées de force : plus de 4,2 millions ont franchi les frontières internationales ukrainiennes, dont plus de 36 000 sont arrivées en France.
Les Etats membres de l’Union Européenne, d’habitude si peu enclins à s’accorder sur une politique d’accueil commune, se sont rassemblés le 4 mars 2022 en Conseil et ont actionné le dispositif exceptionnel de protection temporaire. La Directive 2001/55/CE – encore jamais activée, alors même que d’autres guerres ont déjà jeté des millions de personnes sur les routes de l’exil – offre une protection immédiate et collective à des personnes déplacées pour une période initiale d’un an qui peut être prolongée jusqu’à 3 ans.
Cet effort collectif des gouvernements européens, aussi inhabituel que surprenant, ne peut qu’être salué. Il est la preuve qu’une autre politique migratoire européenne et française, basée sur un accueil digne, est possible. C’est également la confirmation que les moyens existent et que promouvoir les droits fondamentaux de toute personne migrante est in fine une question de volonté politique.
Malgré le constat de cet élan de solidarité, nos organisations s’inquiètent du traitement à deux vitesses accordé aux exilés ukrainiens d’une part, et aux non ukrainiens d’autre part. Des témoignages ont rapidement fait état d’un traitement discriminatoire réservé aux personnes non ukrainiennes qui essayaient de fuir la guerre. C’est le cas, principalement, des étudiants africains contraints de quitter l’Ukraine, aux frontières avec la Pologne ou la Hongrie mais également des personnes russes et biélorusses exilées en Ukraine.
Garantir les moyens nécessaires à une réponse durable, solidaire et systémique
En France, les personnes éligibles à la protection temporaire pourront obtenir un permis de séjour, travailler, disposer d’un hébergement, avoir accès immédiat aux soins, à l’éducation… De quoi faire rêver bon nombre de personnes exilées ayant fui leur pays ces dernières années.
L’instruction ministérielle prise en application de la Directive européenne sur le territoire français reste cependant assez nébuleuse sur la validité du bénéfice pour certaines catégories de personnes, notamment des ressortissants d’autres pays que l’Ukraine. Certaines associations dénoncent désormais des difficultés supplémentaires pour les personnes exilées d’accéder aux dispositifs d’hébergement au profit de l’accueil des personnes ukrainiennes.
La crise causée par la guerre étant appelée à durer, les Etats membres de l’Union européenne, dont la France assure la présidence, doivent garantir les moyens nécessaires à une réponse durable, solidaire et systémique.
Si nos organisations reconnaissent l’importance de la mise en place de moyens supplémentaires pour l’accueil des personnes fuyant la guerre en Ukraine, elles demandent cependant que les mêmes moyens soient alloués aux dispositifs d’accueil de toutes les personnes en besoin de protection, qu’elles viennent d’Ukraine ou d’autres régions du monde. Il est impératif d’empêcher la mise en place d’un système à double vitesse qui mettrait en concurrence les personnes en besoin de protection.
Nous demandons aux gouvernements européens de garantir un accueil digne pour toutes les personnes en demande de protection présentes sur leur territoire et que l’élan de solidarité puisse bénéficier à toutes et tous, sans discrimination aucune et dans le respect des droits les plus fondamentaux.
Signataires : Ziad ABDELTAWAB, Directeur adjoint, Institut du Caire pour les études des droits de l’Homme ; Mohamed AL SHAMI, Président du Conseil d’administration, Alliance Internationale Pour La Défense Des Droits Et Des Libertés (AIDL) ; Joëlle BATAILLE, pour le collectif La gamelle de Jaurès ; Mohammed BAZZA, Coordinateur Pôle Interne, Réseau Immigration Développement Démocratie (IDD) ; Sissel BRODAL, Présidente, Forum Civique Européen ; Fanélie CARREY-CONTE, Secrétaire générale, La Cimade ; Claude CARRILLO, Président, Welcome Pays d’Aix ; Patrice CARTIER, Président, Collectif AGIR ; Jean-Pierre CAVALIÉ, membre du Conseil d’animation et d’administration, Réseau Hospitalité (PACA) ; Jérémie CHOMETTE, Directeur général, Fondation Danielle Miterrand ; Fabien COHEN, Secrétaire général, France Amérique Latine (FAL) ; Cécile COUDRIOU, Présidente, Amnesty International France ; Judith DEPAULE, Directrice, Atelier des artistes en exil ; Véronique DEVISE, Présidente Nationale, Secours Catholique-Caritas France ; Bernard DREANO, Président, Assemblée Européenne des Citoyens (AEC) ; Michel ELTCHANINOFF, Président, Les Nouveaux Dissidents ; Jean-Baptiste EYRAUD, Porte-parole, Droit Au Logement (DAL) ; Bernadette FORHAN, Présidente, ACAT-France ; Michèle Zwang GRAILLOT, Présidente, Ligue de l’Enseignement ; Rachid LAHLOU, Président, Secours Islamique France ; Yann MANZI, Délégué général, Utopia 56 ; Gustave MASSIAH, Membre-fondateur, CEDETIM-IPAM ; Celine MERESSE, Co-présidente, CRID ; Pierre MICHELETTI, Président, Action Contre la Faim – France ; Gérard MOINE, Président, Association d’Accueil des Demandeurs d’Asile (AADA) – membre associé de la CFDA ; Alexandre MOREAU, Président, Anafé ; Eléonore MOREL, Directrice générale, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ; Antoine PEIGNEY, Président, Solidarités International ; Nathalie PERE-MAZANO, Déléguée générale, Emmaüs International ; Romain PRUNIER, Responsable de l’association United Migrants ; Hélène QUEAU, Directrice pays – Mission France, Action Contre la Faim – France ; Nathan RAVELY, Co-président, Fédération des associations de solidarité avec tou·te·s les immigré·e·s (FASTI) ; Kim REUFLET, Président, Syndicat de la Magistrature ; Antoine RICARD, Président, Centre Primo Levi ; Camila RIOS ARMAS, Directrice, Universités & Réfugié·e·s (UniR) ; Vanina ROCHICCIOLI, Présidente, Gisti ; Dr Carine ROLLAND, Présidente, Médecin du Monde ; Antoine SUEUR, Président, Emmaüs France ; Malik SALEMKOUR, Président, Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Clémence TONDUT, Présidente, Watizat ; Mathias VENET, Secrétaire général, Groupe Accueil et Solidarité (GAS) ; Arnaud ZACHARIE, Secrétaire Général, CNCD-11.11.11 ; Radwan ZIADEH, Directeur, Damascus Center for Human Rights Studies