Message porté par la LDH mardi 5 juin lors de la rencontre des ONG avec le Président de la République. La LDH s’exprimait notamment au nom du CRID, de la FIDH, du CCFD et d’Amnesty France pour faire état de positions communes à ces organisations.
Cette brève intervention est présentée par la LDH au nom de plusieurs ONG de défense des droits, notamment le CRID dont elle est membre et la FIDH dont elle est également membre, mais aussi Amnesty International France ainsi que le CCFD qui coordonne la plateforme « dette et développement ». Trois minutes ne permettent pas d’argumenter mais seulement de poser quelques questions majeures concernant d’une part les droits et la démocratie, d’autre part la « bonne gouvernance » et la lutte contre la corruption.
Notre perspective : nos organisations militent pour « un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère » (Préambule de la DUDH). L’Afrique en est bien loin aujourd’hui, et les drames humains qui en résultent – en particulier le destin tragique des migrants africains – sont pour une grande part imputables aux politiques utilitaristes menées par les pays les plus riches de la planète, y compris l’ancienne puissance coloniale qu’est le nôtre. Il est donc plus qu’urgent de mettre enfin les actes en accord avec les discours.
1. Démocratie et développement
Le soutien apporté pendant des décennies à des régimes autoritaires et corrompus par les pays du Nord, dont le nôtre, est l’une des causes majeures du sous-développement et de l’absence de démocratie sur une très grande partie du continent africain. La France, et les autres Etats du G8, seraient plus crédibles dans leur condamnation des pratiques actuelles de la Chine s’ils reconnaissaient leurs comportements antérieurs et surtout s’ils en tiraient les conséquences en annulant immédiatement la dette résultant de prêts à des régimes autoritaires/corrompus (exemple Mobutu).
En ce qui concerne plus particulièrement la France, le discours qu’elle entend tenir sur la démocratisation suppose la cessation immédiate du soutien qu’elle continue à apporter à des dirigeants tels que Messieurs Biya au Cameroun, Bongo au Gabon ou Sassou Nguesso en RDC – et la liste n’est pas exhaustive. On ne peut être en même temps l’ami des démocrates et celui des dictateurs.
Enfin, si les gouvernements africains doivent rendre compte démocratiquement de leur action devant leurs citoyens, encore faut-il qu’ils aient pu déterminer librement leurs politiques. Nous savons tous que ce n’est presque jamais le cas. Le Royaume-Uni et la Norvège ont renoncé aux conditionnalités macro-économiques et ont demandé à la Banque mondiale et au FMI de les imiter. La France le fera-t-elle ? Et sinon comment pourra-t-elle prôner le respect de la démocratie en Afrique ?
2. Corruption et développement
La France se félicite d’avoir été le premier Etat du G8 à avoir ratifié la convention internationale de Merida contre la corruption, laquelle exige le gel et la restitution des avoirs détournés par les dirigeants corrompus. Là encore, elle serait plus crédible si elle avait procédé à la moindre mesure de gel ou de restitution des fonds d’origine illicite présents sur son territoire : de nombreux dictateurs africains y possèdent des immeubles de grande valeur… parfois à quelques centaines de mètres du palais de l’Elysée.
Et les Etats du G8 gagneraient aussi en crédibilité si la Banque mondiale n’avait pas donné le mauvais exemple de ce qu’elle reproche à certains gouvernements du Sud, et si ces Etats du G8 n’avaient pas couvert ou toléré pendant des mois les agissements inadmissibles de Monsieur Wolfowitz. Plus largement, la perpétuation de l’arrangement entre les USA et l’Union européenne sur la répartition des postes entre présidence de la Banque mondiale et direction générale du FMI a pour conséquence à la fois une absence totale de transparence et de démocratie dans ces processus de désignation et une perte de légitimité de la Banque mondiale qui compromet jusqu’à son avenir. Nous ne pourrons juger le sérieux des orientations proclamées qu’aux progrès de l’exemplarité en la matière.
Enfin, d’un point de vue « franco-français », nous insistons sur un autre aspect de l’exemplarité : la « bonne gouvernance » doit s’appliquer aussi à l’élaboration même de la politique étrangère française. L’implication du Parlement et le contrôle « citoyen » sont des signes de vitalité démocratique… au Nord comme au Sud. Et, là aussi, non seulement en paroles mais aussi en actes.
Paris, le 6 juin 2007.