Appel de responsables associatifs
Le projet de loi « pour l’égalité des chances » en cours de discussion parlementaire a été présenté comme la réponse aux troubles qui ont secoué un grand nombre de quartiers populaires en novembre dernier.
Dans ces territoires marqués par le chômage massif, par la précarité, par les discriminations voire souvent par la relégation, bien des familles, bien des jeunes, et bien des associations engagées au quotidien dans l’action pour l’égalité et pour la solidarité, ont le sentiment de survivre la tête à peine hors de l’eau.
Or le projet de loi prévoit, pêle-mêle, de faire sortir du système scolaire dès 14 ans les jeunes qui ont le plus besoin de soutien éducatif, de généraliser l’emploi précaire pour ceux qui entrent sur le marché du travail (CPE), de priver de certaines prestations sociales les familles les plus en difficulté avec leurs enfants, d’instituer un « service civil » non pour tous les jeunes mais spécifiquement pour ceux qui sont censés poser problème, de donner à des élus politiques un pouvoir de sanction des familles et des jeunes en cas d’« incivilités », et de supprimer le Fonds d’action sociale pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) et la Délégation interministérielle à la ville (DIV) pour les remplacer par une Agence dont l’action sur le terrain sera confiée aux préfets, c’est-à-dire hiérarchiquement subordonnée au ministère de l’Intérieur.
Nous, responsables associatifs, estimons de notre devoir d’alerter l’opinion publique sur les graves risques que cette réforme fait courir à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations : on ne peut lutter pour l’égalité des droits en renforçant la précarité, en stigmatisant des familles et des personnes en difficulté, en cassant des outils qui existent, en étatisant ou en politisant des instances dont l’indépendance est une précieuse garantie d’efficacité.
Si l’on veut prévenir de nouvelles explosions de violences, n’aggravons pas les maux que l’on affirme vouloir combattre. Nous refusons la logique de stigmatisation dont est porteur le projet de loi. Et nous appelons de nos vœux une action d’envergure, conjuguant la solidarité nationale, l’action éducative et la mobilisation de toute la société civile. Pour l’égalité des droits.
Signataires :
Mouloud Aounit, président du MRAP ; Jean Bellanger, président de la Fédération AEFTI ; Marie-Pierre Cattet, présidente nationale du MRJC ; Aïda Chouk, présidente du Syndicat de la Magistrature ; Pierre Conil, président du Syndicat des avocats de France ; Jean-Pierre Dubois, président de la LDH ; Georges Dupon-Lahitte, président FCPE ; Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement ; Présidence collective de la FASTI.
Paris, le 6 mars 2006