7 juin 2006 – Immigration
Au revoir les enfants

Hier après-midi, le ministre de l’Intérieur, confronté à la mobilisation de plus en plus forte des enseignants, des élèves et de leurs parents contre les expulsions d’élèves sans-papiers, a annoncé qu’il s’attacherait désormais à remplir un « devoir d’humanité » en la matière.

 

Les actes n’ont mis que quelques heures à suivre les mots. En fin de matinée hier, Shabar et Jonas Erten, âgés de trois et de six ans, ont été arrêtés par des policiers à l’école maternelle Julien Pesche au Mans, et emmenés rejoindre leur maman au commissariat. Les militants du RESF et de la section LDH du Mans se sont rassemblés ce matin dès 5 heures 30 pour tenter de faire échec à la reconduite à la frontière : trop tard ! Madame Erten et ses deux enfants avaient été embarqués à 4 heures 20 du matin, afin d’éviter témoins et journalistes. Leur avion a décollé ce matin à 11h10 de l’aéroport de Roissy.

 

Il faut croire que les enfants Erten et leur mère constituaient une menace grave pour l’ordre public : réfugiés kurdes, arrivés de Turquie en Norvège, ils avaient osé envahir le sol français au lieu de demander l’asile à Oslo, au motif que leur grand-mère et leur tante résidaient au Mans… en situation parfaitement régulière. On le voit, leur expulsion ne pouvait attendre même la fin de l’année scolaire : selon le ministère de l’Intérieur, l’engagement pris par la circulaire d’octobre 2005 de suspendre les reconduites en cours d’année ne s’appliquerait pas aux écoles maternelles. Quant au droit à la vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, il ne pèse pas bien lourd quand on n’a que mépris pour ceux que Jean-Marie Le Pen a baptisé « droitsdel’hommistes ».

 

La LDH a tenté d’attirer l’attention d’un conseiller de Monsieur Sarkozy sur cette affaire lamentable : enfants arrêtés en école maternelle, sortis du lit à 3 heures du matin pour être soustraits aux regards et à la solidarité de leurs proches… La réponse fut brève et quelque peu agacée : « ils n’ont qu’à demander l’asile en Norvège, j’applique les textes ».

 

« Devoir d’humanité », disait le ministre-candidat. On sait que selon un de ses amis politiques qui l’a précédé place Beauvau, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». En tout cas, la famille Erten saura désormais quel sens le gouvernement actuel de la République française donne concrètement au mot « humanité ». A chacun, désormais, de juger en conscience.

Paris, le 7 juin 2006

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