Signer la pétition « Le mépris de l’histoire et des victimes »
LE MÉPRIS DE L’HISTOIRE ET DES VICTIMES
Le Parlement français a voté une loi qui prévoit que “ les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. ”
Cette loi est un défi à la réalité des faits, à la liberté de l’historien et à toutes les victimes des conflits coloniaux.
Elle reconnaît comme dignes d’hommage et mentionne comme victimes uniquement les militaires français et les disparus et victimes civiles de l’insurrection algérienne. Toutes les souffrances de cette guerre ne méritent-elles pas d’être reconnues ? Des Algériens qui ont pris le parti de l’indépendance de leur pays et de nombreux civils algériens suspectés de les soutenir n’ont-ils pas compté aussi parmi les victimes ? N’ont-ils pas subi des crimes, que la conscience universelle réprouve, à l’instigation d’une partie des autorités de la République ?
Vis-à-vis des harkis, cette loi ne reconnaît ni leur abandon et les crimes subis après le cessez-le-feu de mars 1962, ni la manière dont eux et leurs familles ont été isolés et discriminés en France pendant des décennies, dans la pure tradition coloniale. Tradition qui se poursuit, aujourd’hui, dans les différences d’indemnisation que cette loi prévoit pour eux par rapport aux autres rapatriés. Tandis qu’en instaurant dans son dernier article une indemnité en faveur d’anciens condamnés, internés et assignés à résidence, définis de telle façon que cela vise d’anciens membres de l’organisation terroriste de l’OAS, cette loi semble vouloir ranger ces derniers parmi ceux qui auraient fait “ œuvre positive ” en Algérie !
En dictant une vision partielle et partiale de l’Histoire, le Parlement tente d’exonérer la République de ses responsabilités. Contraindre les citoyens, les enseignants et les chercheurs à adopter une interprétation des faits asservie à une telle volonté politique est une insulte à l’intelligence de chacun et un déni de démocratie.
Oublier les centaines de milliers de victimes qu’a entraînées la volonté d’indépendance et de dignité des peuples que la France a colonisés, c’est nier les atteintes aux droits de l’Homme qu’ils ont endurées et les traiter, ainsi que leurs descendants, avec mépris. Reconnaître les blessures, de toutes sortes, subies par les individus, quelle qu’ait été leur situation ou leur engagement, ne peut avoir pour effet de privilégier tels ou tels.
Alors que notre pays éprouve les plus grandes difficultés à affronter la totalité de son histoire, alors que de nombreuses personnes issues des anciennes possessions françaises vivent en France depuis plusieurs générations et subissent, avec d’autres, des discriminations inacceptables, cette loi impose une vérité d’État qui se traduit par un affront à toutes les victimes.
Elle doit impérativement être abrogée.
Ä Signatures à envoyer à la Ligue des droits de l’Homme – service communication :
E-mail : communication @ldh-france.org, 138 rue Marcadet 75018 Paris, Tél : 01 56 55 51 00, Fax : 01 42 55 51 21.
8 mai 1945 – 8 mai 2005 et le rapport Tubert
Des épisodes du passé colonial de la France reviennent peu à peu à notre mémoire collective. Les massacres dans le Constantinois après les manifestations de Sétif du 8 mai 1945 viennent de faire l’objet d’une déclaration de l’ambassadeur de France en Algérie où il est question pour la première fois de « massacres », de « tragédie inexcusable » et de la nécessaire « connaissance lucide du passé ». Mais la loi du 23 février 2005 prétend imposer aux enseignants de montrer « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » et oublie de mentionner les victimes algériennes dans le camp de ceux qui luttaient pour l’indépendance de leur pays. La société française a encore bien du mal à regarder en face et dans son entier cette page coloniale de son histoire.
L’épisode de la mission confiée en mai 1945 au général de gendarmerie Paul Tubert, membre du Comité central de la Ligue des droits de l’Homme, aussitôt interrompue sur ordre du gouvernement présidé par le général de Gaulle est emblématique de cette occultation*.
Il ne s’agit ni de repentance, ni de dénigrement de notre passé, mais d’appeler à distinguer les principes universels des droits de l’Homme, que la France peut être fière d’avoir contribué à proclamer, d’avec certaines politiques qui ont été menées par elle en contradiction avec ceux-ci.
Il s’agit aussi de s’interroger sur le rôle négatif dans la société française d’aujourd’hui de la persistance de ce passé refoulé et des représentations qu’il a modelées. Tout en écartant toutes les explications simplistes et abusives qui feraient de celle-ci une réplique de la société coloniale d’hier, l’objectif de ce colloque est de se demander en quoi la permanence des mentalités et des comportements sociaux forgés tout au long de l’épisode colonial sont une cause des phénomènes discriminatoires et de certaines inégalités de fait de la société française actuelle.
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Télécharger le texte intégral du rapport Tubert.
* Consulter la liste des premiers signataires.
Paris, le 13 avril 2005