Tribune collective signée par la LDH
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Ce mardi 9 janvier devait s’ouvrir à Nanterre le procès de quatre responsables du Rassemblement national accusés de provocation à la discrimination raciale pour avoir revendiqué la priorité nationale. Celui-ci a, à nouveau, été reporté en juin 2024. Des partis politiques, associations et syndicats espéraient une condamnation à la hauteur de l’abjection de ce principe antirépublicain.
Quatre responsables du Rassemblement national, dont Steeve Briois l’actuel maire d’Hénin-Beaumont, seront jugés pour provocation à la discrimination raciale pour avoir défendu lors des élections municipales de 2014 la priorité nationale.
Le FN d’alors avait mis à disposition de ses candidats un « guide pratique de l’élu » qui demandait au candidat élu de mettre en œuvre la priorité nationale au niveau local : priorité d’accès aux emplois, logements et aides sociales aux personnes de nationalité française.
Cette vieille revendication de l’extrême droite ne date pas d’hier. Dès 1985, Jean-Marie Le Pen proposait d’exclure les étrangers des aides sociales et des logements sociaux et de « reconduire chez eux un certain nombre de millions d’étrangers qui se trouvent chez nous », expliquant que « les gens n’auront plus de raisons de rester car ils ne seront plus entretenus par les contribuables français ».
Le RN hors-la-loi
Dans la conception universaliste de notre République, ces mesures, en différenciant les Français et les étrangers, même quand ils sont en situation régulière, constituent une discrimination en raison de la nationalité et entraînent de fait une rupture fondamentale du principe d’égalité.
Cette obsession raciste, ainsi contraire à notre Constitution comme à la Convention européenne des droits de l’Homme, arrive aujourd’hui devant les tribunaux, sur renvoi d’un juge d’instruction, et dans un contexte évidemment très singulier. La priorité nationale a en effet été votée dans une version à peine diluée avec la loi immigration.
Ce procès, plusieurs fois reporté, aura donc une résonance forte puisqu’il intervient quelques jours à peine avant le rendu de décision du Conseil constitutionnel sur la loi scélérate voulue par Emmanuel Macron.
Ce n’est pas la première fois que des responsables du RN pourraient être condamnés par la justice pour des propos racistes ou discriminatoires. Mais c’est la première fois qu’un juge se prononcera sur la légalité de la priorité nationale.
Nous, associations de défense des droits, organisations syndicales et politiques, soutenons l’action menée en justice par la Maison des potes, à laquelle se sont associés la Ligue des droits de l’Homme, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples et le Syndicat des avocats de France, et ferons en sorte que le retentissement de ce procès ne s’arrête pas à l’éventuelle condamnation des personnes concernées. L’enjeu de ce procès est bien de rappeler que la priorité nationale représente une bascule morale et place ses promoteurs hors du champ de l’acceptabilité du débat républicain.
Jamais la « priorité nationale » n’aurait dû être portée par une formation politique. Jamais un gouvernement et des partis qui se revendiquent et s’affichent même jusque dans leur dénomination républicains, n’auraient dû oser franchir cette ligne rouge. Nous espérons que cette priorité odieuse sera jugée illégale, le RN hors-la-loi, et que ce procès mettra un terme à la promotion de cette proposition abjecte.
Signataires : la Fédération nationale des Maisons des potes, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), le Syndicat des avocats de France (SAF), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), le Parti socialiste (PS), Les Ecologistes-EE-LV, SOS Racisme, Génération·s, United For Equality, Solidaires, la Confédération nationale du travail (CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU), le Parti communiste français (PCF), La France insoumise (LFI).