Tribune collective signée par Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH
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Les écoles et les hôpitaux sont au bord de la fermeture, des cas de déshydratation sévère et des signes de gastro-entérite sont signalés. Face à cette crise sans précédent, les mesures du gouvernement restent insuffisantes, dénonce un collectif d’associations et d’organisations humanitaires.
Ces dernières années, l’accès à l’eau potable à Mayotte suscite des inquiétudes quotidiennes pour une partie de la population : 12% des habitants doivent se rendre aux bornes-fontaines et 6 % ne disposent d’aucun accès à l’eau. La pénurie d’eau actuelle touche désormais l’ensemble de la population, aggravant davantage la situation des personnes les plus précarisées.
La Société mahoraise des eaux (SMAE) a récemment ouvert 96 rampes de distribution d’eau dans les zones les plus touchées par les coupures. Cependant, ces efforts ne suffisent pas pour répondre aux besoins criants de la population. En période de pénurie, la gestion de cette ressource vitale doit assurer un accès équitable à tous les habitants. Il est impératif d’au moins doubler le nombre de rampes de distribution d’eau et de les maintenir en service 24 heures sur 24 pour couvrir les besoins essentiels de la population. De plus, il est préoccupant de constater que de nombreuses habitations se trouvent à plus de 500 mètres de ces rampes, au-delà des normes maximales humanitaires en situation d’urgence*.
Avant cette crise, la consommation des habitants des bidonvilles sur les 93 bornes fontaines fonctionnelles ne représentait que 1 % de la consommation globale de l’île, avec une moyenne journalière de 15 litres d’eau par personne, bien en dessous du standard français** de 50 litres, et du minimal international de 20 litres recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
2 litres d’eau par personne
Le gouvernement a annoncé vouloir distribuer quotidiennement deux litres d’eau maximum par personne aux plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les enfants de moins de 2 ans. 51 000 personnes seraient identifiées. Toutefois, il est essentiel de clarifier les critères d’éligibilité pour garantir que toute personne isolée ne soit pas exclue de cette aide. Par exemple, de nombreuses personnes éligibles n’ont pas de certificat de domiciliation et/ou accès au système de santé qui permet d’établir les attestations demandées. Nous nous interrogeons également sur le manque de transparence et de communication auprès des populations concernées.
Parallèlement, bien que le gouvernement ait gelé les prix de vente des bouteilles d’eau commercialisées sur le territoire, nous constatons que ces mesures ne sont souvent pas respectées en pratique ainsi que des ruptures de stocks régulières dans les plus grands magasins de l’île.
Enfants en déshydratation sévère
En complément, des informations alarmantes sont parvenues de professionnels de santé qui signalent que plus d’une cinquantaine d’enfants ont été pris en charge avec des symptômes de déshydratation sévère, ainsi que des signes de gastro-entérite. D’autres, signalent la présence d’eau marron au robinet des services hospitaliers, un approvisionnement insuffisant en eau pour stériliser le matériel médical, ainsi que l’absence de bouteilles d’eau pour les patients.
En plus de cela, d’après de multiples témoignages d’instituteurs, les élèves sont contraints de remplir leurs gourdes avec de l’eau non-potable issue des robinets des établissements car aucune bouteille d’eau n’est disponible. Dans certains cas, les chasses des toilettes scolaires n’étant également plus alimentées, la consigne est donnée d’utiliser les environs.
Ces témoignages soulèvent de graves préoccupations quant au risque d’apparition ou d’aggravation de maladies hydriques ainsi qu’à la capacité des centres de santé à fournir des soins médicaux de qualité et à garantir la sécurité des patients. La santé des élèves est en danger. Ces situations soulignent l’urgence de mettre en place des actions immédiates afin de garantir l’accès à une eau potable dans chaque établissement scolaire.
L’accès aux ressources et aux soins
En temps de pénurie d’eau, il serait inconcevable que, comme nous le constatons, encore récemment, aux niveaux des centres de santé, des contrôles d’identité et des interpellations par les forces de l’ordre aient lieu aux abords des points d’eau, ce qui dissuade de nombreuses personnes de s’approvisionner à ces endroits et d’avoir recours aux soins. Nous appelons à la sanctuarisation des centres de soins et des points collectifs de distribution, incluant leurs abords, afin d’assurer un accès ininterrompu et sans crainte à l’eau potable pour tous les habitants de l’île.
Aujourd’hui, même les écoles et les services hospitaliers sont touchés par la pénurie au point d’être menacés de fermeture. Les mesures actuelles mises en œuvre par les institutions sont insuffisantes. Nous demandons aux autorités de prendre des mesures immédiates pour remédier à cette situation alarmante : il faut anticiper les risques épidémiques qui pèsent sur la population et prendre des mesures urgentes pour garantir l’accès à l’eau à tous les habitants de Mayotte.
Signataires :
Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde ; Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France ; Antoine Peigney, président de Solidarités International ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Henry Masson, président de La Cimade ; Benjamin Soudier, directeur général de Santé Sud ; Jean-Marc Borello, président du groupe SOS ; Sandra Métayer, coordinatrice de la Coalition Eau ; Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Véronique Devise, présidente nationale du Secours Catholique Caritas France ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre