En juin 2024, la Contrôleure générale des lieux de privation (CGLPL) avait fait paraître des recommandations en urgence qui alertaient sur la « violation grave des droits fondamentaux des personnes » détenues dans la prison de Tarbes : surpopulation, encadrement défaillant, vétusté et insalubrité des cellules, prolifération de nuisibles, personnes détenues souffrant de la faim, offre de travail et d’activités « quasi-inexistante », etc. Mais, plus encore, la CGLPL avait pu établir la perpétuation, depuis plusieurs années, de violences, sévices et actes malveillants graves, tels que des coups, insultes, humiliations, moqueries, menaces et autres exactions, subies par les personnes détenues de la part d’agents pénitentiaires, et l’existence d’une cellule dédiée à cette maltraitance. La cellule 130 – assimilable à une véritable salle de torture – était alors identifiée comme le lieu où les personnes détenues étaient « régulièrement brutalisées et arbitrairement enfermées, parfois durant des heures ». Ces constatations ont ensuite été appuyées par un rapport de visite de la députée Sylvie Ferrer qui s’était rendue à son tour dans l’établissement et confirmait la persistance des conditions indignes de détention.
Ainsi, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), l’OIP-SF, l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), le Conseil national des barreaux (CNB), l’Association des avocats pénalistes (ADAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau, qui n’avait ordonné qu’une seule mesure sur la vingtaine réclamée, à savoir le cloisonnement des toilettes dans les cellules collectives de la maison d’arrêt de Tarbes. Les organisations requérantes s’étaient alors tournées vers le Conseil d’Etat pour que d’autres mesures de protection des droits fondamentaux des personnes détenues soient prescrites par la Haute Juridiction.
Dans une ordonnance du 27 septembre 2024, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté l’ensemble des demandes formulées par les associations.
Concernant la question particulièrement alarmante des violences et mauvais traitements subis par les personnes détenues, le Conseil d’Etat relève « qu’une procédure pénale concernant des faits [de violences] commis le 2 mars 2024 et une enquête judiciaire sont en cours » et que « des procédures disciplinaires ont été engagées contre les personnels impliqués ». Alors que la CGLPL insistait, au-delà du comportement violent de certains surveillants, sur « l’inertie fautive de l’encadrement », « l’absence de cadre, la passivité de tous et le défaut d’intervention de la hiérarchie en cas de manquements déontologiques ou de fautes professionnelles » ayant favorisé « l’émergence et la persistance de pratiques dysfonctionnelles » gravement attentatoires aux droits fondamentaux pendant plusieurs années, la Haute Juridiction estime qu’une formation « éthique-déontologie » dispensée à 23 membres du personnel de l’établissement en avril 2024 serait une réponse suffisante.
À rebours de ce qu’exige la situation actuellement dramatique des prisons françaises surpeuplées, la décision rendue par le Conseil d’Etat semble envoyer un signal : celui d’une Haute Juridiction qui renonce à son rôle de défenseure des droits fondamentaux des personnes incarcérées.