Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH
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20 ans après la loi pour l’égalité des droits et des chances, le handicap reste le premier motif de discrimination en France, et l’emploi est le premier domaine concerné. APF France handicap, la Fnath et la LDH (Ligue des droits de l’Homme) demandent à ce que la lutte contre les discriminations dans l’emploi devienne une priorité nationale.
Alors que le thème de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap est, cette année, l’égalité des chances au sein des parcours professionnels, la question des discriminations dans le monde du travail reste brûlante : en dépit de l’arsenal législatif existant, les processus discriminatoires affectant les personnes en situation de handicap, notamment dans leur vie active, restent massifs et systémiques.
Selon le dernier baromètre de la Défenseure des droits sur la perception des discriminations dans l’emploi de décembre 2023, être en situation de handicap ou avoir une maladie chronique multiplie par trois le risque d’être victime de discrimination au travail par rapport à un individu blanc, hétérosexuel et en bonne santé.
Cercle vicieux
Discriminations et inégalités se conjuguent et se nourrissent : les inégalités de traitement subies par les personnes en situation de handicap dans leur parcours professionnel conduisent à les discriminer massivement. En retour, les résultats produits par ces discriminations renforcent les inégalités, fragilisant à la fois leurs droits fondamentaux, leur santé et leur situation socio-économique.
Les discriminations dans la sphère professionnelle ont en effet des impacts majeurs : moindre estime de soi, isolement, dépression, colère, sentiment d’injustice, altération de l’état de santé physique et psychique. Elles aboutissent souvent à un déclassement professionnel voire une éviction du monde du travail conduisant à un appauvrissement des personnes qui entrent alors dans une spirale de précarité difficile à inverser. Les discriminations sont également vectrices d’une organisation
sociale et économique moins performante car elles génèrent des coûts directs et indirects importants.
Changement de culture
L’appréhension de ce phénomène au sein de la société française en général, et dans le monde du travail en particulier, est paradoxale.
Si l’ensemble des acteurs semble bien avoir conscience de leur existence et de leur acuité, les discriminations persistent, manifestant finalement une forme de tolérance et d’acceptation.
Les entreprises ont tendance à appréhender le handicap en termes de limitations et à ne pas explorer les potentiels de la personne.
Un constat accablant aux raisons multiples. La première réside dans notre organisation du travail fondée sur la performance et un modèle normalisé des compétences issu d’une culture validiste, les entreprises ayant tendance à appréhender le handicap en termes de limitations et à ne pas explorer les potentiels de la personne. Autre raison : l’absence de culture globale de l’accessibilité universelle dans les entreprises et la fonction publique, d’où leurs difficultés à appréhender leurs obligations d’aménagement raisonnable et de formation à la lutte contre les discriminations. Enfin, les recours juridiques des personnes victimes de discriminations, souvent difficiles à entreprendre, sont encore trop peu nombreux pour faire progresser la prise de conscience, malgré l’arsenal juridique conséquent.
Aussi, nos associations demandent que la lutte contre les discriminations dans l’emploi devienne une priorité nationale et appellent à la construction d’une politique globale de lutte contre les discriminations, dotée de moyens humains et financiers renforcés et impliquant toutes les parties prenantes. Nous sommes prêts à y contribuer activement.
Etre en situation de handicap ou avoir une maladie chronique multiplie par 3 le risque d’être victime de discrimination au travail par rapport à un individu blanc, hétérosexuel et en bonne santé.
Il y a trois mois, les Jeux paralympiques prenaient fin, soufflant un vent de changement sur le regard porté sur les personnes en situation de handicap par la société et sur la place qui leur est réservée. C’est à un véritable changement de culture au sein des entreprises et de la fonction publique qu’il faut parvenir aujourd’hui. Les références validistes doivent céder le pas devant l’approche inclusive, fondée avant tout sur l’égalité de traitement, l’accessibilité universelle et le respect des droits
fondamentaux garantis par la Convention internationale des droits des personnes handicapées et dont la Commission nationale consultative des droits de l’homme assure le suivi de la pleine effectivité.
C’est cela, une réelle culture de la non-discrimination.
Signataires :
Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap.
Nadine Herrero, présidente de la Fnath.
Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme).