Les samedi 23 et dimanche 24 novembre 2024, au siège de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), 138 rue Marcadet 75018 Paris
Chaque racisme se manifeste singulièrement dans les discours et les actes et tous les racismes se rejoignent et s’équivalent dans la négation de notre égale humanité.
Comme tous les racismes, l’antisémitisme s’aborde aux carrefours de l’histoire, des représentations, des pratiques, des expériences en tenant compte des contextes et enjeux politiques. Penser l’antisémitisme aujourd’hui, c’est donc tout à la fois décrypter un certain nombre de signes d’un racisme dont on a cru, sans doute illusoirement, qu’il avait disparu dans de larges contrées et analyser la singularité de cette haine des juifs, non pour la mettre en concurrence avec d’autres racismes mais parce que chacun des racismes, chaque haine qui touche un groupe ou un autre, plonge dans des racines historiques spécifiques.
Ainsi, les manifestations actuelles de l’antisémitisme empruntent-elles à l’histoire une série de thèmes antisémites « traditionnels » tout en les agrégeant à des situations
historiques nouvelles et à des conjonctures actuelles, comme en 2020 l’épidémie du Covid et actuellement la guerre au Moyen-orient.
Les débats d’aujourd’hui, qu’ils portent sur l’actualité du phénomène, sa nature, son ampleur, ses causes ou encore sur les mécanismes qui le sous-tendent, interrogent
la manière dont sont recyclés – et adroitement masqués – l’antijudaïsme et l’antisémitisme dans tel ou tel contexte. Il s’agit donc au cours de ces deux journées d’aborder l’antisémitisme dans l’histoire tout en le reliant aux débats actuels pour saisir les dynamiques, les mécanismes et déjouer tout à la fois les dénis, les minimisations, les formes de légitimations ou rationalisations et les instrumentalisations.
D’autant que cette réflexion en croise également d’autres plus larges. Quelle est la genèse des racismes ? Peut-on identifier plusieurs sources, les différencier ou faut-il rechercher une « cause première » ? Quand les concepts de racismes d’Etat, racismes structurels, racismes coloniaux sont-ils mobilisables ? Comment affiner nos outils théoriques et pratiques pour mieux lutter contre chaque racisme dans sa singularité et contre tous les racismes dans leur universalité ?
Samedi 23 novembre
➤ Introduction : pourquoi ces journées aujourd’hui ?
Par Fabienne Messica, co-animatrice du groupe de travail de la LDH « Racismes,
antisémitisme, discriminations »
➤ « de l’Antijudaïsme dans l’Europe médiévale chrétienne à l’antisémitisme, quelles constantes, quels moments-clés ? rôles des acteurs et
stratégies des communautés juives »
Débat introduit et animé par Nicole Savy, professeure agrégée, spécialiste de la littérature du 19e siècle, membre de la LDH
L’histoire des communautés juives en Europe ne se résume pas aux périodes de violences mais connait aussi de longues périodes de cohabitation harmonieuse avec des échanges d’intensité variable, voire de syncrétismes, entre les populations juives et les populations chrétiennes. Cette histoire est marquée par de grandes constantes mais elle connaît aussi des variations importantes en fonction des contextes politiques nationaux et de l’action variable de certains acteurs comme l’Eglise.
Aujourd’hui encore, malgré la lente reconnaissance des responsabilités de l’église catholique à certaines périodes dans l’antijudaïsme séculaire puis, plus tard, la reconnaissance de la responsabilité de certains Etats et nations dans le génocide perpétré en Europe (exemples français, les cas Touvier, le Vel d’Hiv, Papon…), de nombreux pays sont dans le déni ou la relativisation comme la Pologne ou la Roumanie où des massacres de Juifs ont pourtant été commis bien avant l’invasion allemande. La France n’est pas épargnée avec le renouveau, porté par des courants d’extrême-droite, de la thèse d’un pétainisme, protecteur des Juifs Français. Quels éclairages apporte l’histoire et quels ont été les débats au sein des communautés juives confrontées à la montée d’un antisémitisme virulent en Europe ?
Histoires juives, histoire des juifs : le débat international
Sylvie Anne Goldberg, directrice du groupe d’études juives du Centre de recherches historique (EHESS)
L’antisémitisme au 19e et 20e siècle : persécutions, pogroms et génocide
Annette Wievorka, historienne, directrice de recherche honoraire au CNRS spécialiste du génocide des juifs d’Europe et de l’histoire des juifs du 20e siècle
Hannah Arendt, une intellectuelle juive contre l’assimilation ?
Michel Dreyfus, historien, directeur de recherche émérite au CNRS
➤ « Antisémitismes, sionismes, antisionismes : comment démêler l’écheveau des croisements, des confusions, des instrumentalisations ? »
Débat introduit et animé par Martine Cohen, sociologue, membre de la LDH
L’antisémitisme est-il un racisme comme les autres ? Quelles en sont les spécificités
(conspirationnisme, anti -système) qui en favorisent la diffusion ? Comment la
question de l’antisémitisme traverse-elle les débats et les positionnements sur les
sionismes et antisionismes ? Analyser les significations des termes – sionismes,
antisionismes – généralement employés au singulier est d’autant plus complexe que
ces termes se sont chargés de significations multiples au cours des dernières
décennies. D’où les confusions entre un antisionisme clairement antisémite ou plus
voilé et une critique légitime de la politique de l’Etat d’Israël. Quand d’un côté
l’antisionisme est instrumentalisé par des antisémites à l’extrême-droite (Soral,
Dieudonné), et par certains courants de la gauche, quand, d’un autre côté, il est
instrumentalisé par des soutiens aux gouvernements israéliens pour faire taire toute
critique, comment retrouver des repères, comment identifier ces instrumentalisations
et les combattre ? Comment, enfin, débattre sans déni, sans instrumentalisation et
sans prendre l’instrumentalisation comme prétexte aux dénis ?
Denis Charbit, professeur de science politique à l’Open University of Israël
(Ra’anana)
Dominique Vidal, ancien journaliste du Monde diplomatique et auteur de nombreux ouvrages
Sophie Bessis, historienne
➤ Juifs/Arabes dans le Maghreb et le Moyen-Orient : histoire, évolutions, mémoires communes et disputées. Quelle approche critique du thème de la nouvelle judéophobie ?
Débat introduit et animé par Gilles Manceron, historien et co-animateur du groupe de travail de la LDH « Histoire, mémoires, archives »
Benjamin Stora, historien français, ancien professeur à l’université Paris-XIII
Frederic Abecassis, historien, maître de conférences en histoire contemporaine à l’ENS de Lyon
Dimanche 24 novembre
La lutte contre l’antisémitisme et tous les racismes
➤Introduction
Par Emmanuel Naquet, historien, co-animateur du groupe de travail « Histoire, mémoires, archives » de la LDH : La LDH et la lutte contre l’antisémitisme, approche historique
➤ L’antisémitisme, un racisme mondial ? Rôles et formes des conspirationnismes
Débat introduit et animé par René Monzat, journaliste, membre de la LDH
Entre oubli et mémoire, relativisme et négationnisme, comment analyser la place
singulière de l’antisémitisme et du génocide des juifs en Europe ?
L’extrême-droite et l’antisémitisme
Nicolas Lebourg, historien, chercheur au centre d’études politiques et sociales
(CEPEL), rattaché au CNRS et à l’université de Montpellier
Le négationnisme : racines, histoire et actualité
Jean-Yves Camus, politologue, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste des nationalismes et des extrémismes en Europe
Conspirationnisme, critique sociale et antisémitisme
Balázs Berkovits, sociologue et docteur en philosophie rattaché au Comper Center de l’Université de Haïfa et au London Centre for the Study of Contemporary Antisemitism (LCSCA).
➤ éducation populaire et luttes contre l’antisémitisme et tous
les racismes : retours d’expériences
Débat introduit et animé par Nadia Doghramadjian, co-animatrice du groupe de
travail de la LDH « Racismes, antisémitisme, discriminations »
Centrales dans la lutte contre l’antisémitisme et les racismes, l’éducation et la formation apportent des éclairages sur les représentations, comment elles se sont construites et la façon dont, au cours de ces moments d’apprentissage et d’échanges, les personnes qui y participent développent des résistances sur certains thèmes ou au contraire, évoluent. Comment articuler théorie et pratique ? Quelles leçons tirer des expériences de formation dans les quartiers populaires et au sein du mouvement social et quels outils développer ?
Joelle Bordet, psychosociologue, spécialiste des questions de jeunesse
Jonas Pardo, formateur sur les questions d’antisémitisme, co-auteur d’un livre à paraître aux éditions du commun : Petit manuel de lutte contre l’antisémitisme
➤ Antisémite, moi ? Jamais !
Objectifs : mieux identifier les préjugés antisémites mais aussi, les cas discutables.
Méthode : travail en groupes de 5 ou 6 personnes à partir de « cas d’école » : plaintes de la LDH pour antisémitisme, énoncés de personnalités politiques ou médiatiques ou, encore, remarques banales dans la vie quotidienne. Il s’agira pour
les participantes et participantes de qualifier ce qui leur parait antisémite ou non ou encore ambigu. Un rapporteur affichera les résultats au tableau.
➤ restitution par les rapporteurs et synthèse des résultats suivis
par un court temps d’échange
A partir des résultats, discussion : quelles sont les limites de la liberté d’expression ?
Que signifie un « trope » antisémite ? Quelles pédagogies mettre en œuvre pour une
meilleure compréhension ?
➤ Conclusions
Par Nathalie Tehio, présidente de la LDH