Plainte déposée contre un soldat franco-israélien : la justice française doit ouvrir une enquête

Communiqué commun LDH, FIDH, Al-Haq, Al Mezan, Palestinian Centre for Human Rights (PCHR)

Des centaines de soldats de l’armée israélienne potentiellement impliqué dans des crimes internationaux commis à Gaza possèdent une double citoyenneté franco-israélienne. Pourtant, aucune enquête n’a été ouverte en France jusqu’à présent. Nos organisations demandent l’ouverture immédiate d’une information judiciaire contre l’un d’entre eux, Yoel. O.

Aujourd’hui, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres palestiniennes et française Al-Haq, Al Mezan, Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) et la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ont déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Yoel O., soldat franco-israélien qui a servi à Gaza dans le cadre de la campagne génocidaire menée par Israël contre les Palestinien-ne-s. Ce dernier est accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, torture et complicité de ces crimes commis contre des Palestinien-ne-s détenus en Israël. Cette saisine d’un juge d’instruction se fonde sur une vidéo en plusieurs séquences publiée sur les réseaux sociaux. On y identifie des détenus palestiniens vêtus de combinaisons blanches, les mains attachées et les yeux bandés, faisant l’objet d’injures en français. Au moins l’un des détenus présente des signes visibles de tortures. Yoel O. serait l’auteur de cette vidéo. Issam Younis, directeur d’Al Mezan, a déclaré : « Nous avons fourni aux autorités judiciaires françaises des témoignages de victimes palestiniennes qui ont subi de graves formes de torture alors qu’elles étaient détenues par Israël. Ces récits correspondent fortement aux méthodes employées dans la vidéo, illustrant la nature systématique de ces actions et reflétant une politique approuvée par l’Etat. Ces preuves soulignent la nécessité urgente de se pencher sur ces crimes et d’engager des poursuites judiciaires à tous les niveaux, y compris au sein des juridictions nationales ». Shawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq, a déclaré : « Les Palestiniens de Gaza ont subi des disparitions forcées aux postes de contrôle, ont été transférés dans des camps de détention sous contrôle israélien et ont été soumis aux méthodes de torture les plus extrêmes et les plus brutales. Ces actes odieux sont catégoriquement interdits par le droit international. Il est urgent que la France enquête, poursuive et punisse ses ressortissants impliqués dans des crimes internationaux, y compris dans le génocide à Gaza ».

A ce jour, aucune enquête judiciaire ouverte en France

Depuis le 7 octobre 2023, la campagne génocidaire d’Israël à Gaza a tué au moins 44 000 Palestinien-ne-s et en a blessé 105 000 autres. De nombreux éléments permettent d’établir que des crimes internationaux ont été commis par plusieurs des quelque 4 000 citoyens français mobilisés dans l’armée israélienne. Pourtant, à ce jour, aucune enquête judiciaire relative à ces crimes n’a été ouverte par les autorités françaises.

Raji Sourani, directeur général du PCHR, a déclaré : « Un Etat qui se réclame de la démocratie et du respect du droit international doit immédiatement enquêter sur ses ressortissants impliqués dans la commission de crimes internationaux, tels que la torture, et leur demander des comptes. Des centaines de ressortissants français sont présumément impliqués dans des crimes contre les Palestiniens dans le cadre du génocide en cours contre les Palestiniens dans la bande de Gaza et les autorités françaises ont l’obligation morale et juridique de traduire en justice les personnes impliquées. La France ne doit pas être un refuge pour les criminels ni autoriser l’impunité ».

Depuis le 7 octobre 2023, dans le cadre de son invasion terrestre de Gaza, l’armée israélienne a placé en détention des milliers de civils palestiniens, parmi lesquels des enfants, des personnes âgées, des journalistes et des professionnels de la santé. Bien que les Palestinien-ne-s de Gaza soient des personnes protégées par la quatrième Convention de Genève, Israël les détient en vertu de la loi sur les combattants illégaux. Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises par les autorités israéliennes au cours de l’année écoulée et, depuis son dernier amendement, permet de détenir des personnes sans inculpation pendant 30 jours et de leur refuser l’accès à un avocat pendant au moins 45 jours.

Au cours de leur détention et de leurs transferts, les Palestinien-ne-s sont soumis à diverses formes de violences physiques et psychologiques, à la torture, à d’autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à des disparitions forcées, constitutives de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.

« L’ouverture d’enquêtes sur les crimes commis par les binationaux engagés dans l’armée israélienne est l’une des composantes essentielles de la réponse judiciaire qui doit être apportée aux atrocités de masse perpétrées par Israël à Gaza », ont déclaré Alexis Deswaef, avocat des plaignantes et vice-président de la FIDH, et Clémence Bectarte, avocate et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la FIDH. « Face à l’ampleur des crimes commis, l’enquête menée par la CPI ne suffit pas. Chaque Etat qui peut exercer sa compétence doit ouvrir des enquêtes judiciaires ».

« Il est temps que la justice française se saisisse des crimes internationaux commis par des citoyens français combattant dans l’armée israélienne » déclare Nathalie Tehio, présidente de la LDH. « L’Etat français doit prendre ses responsabilités. Il ne peut tolérer que les exactions commises par ses ressortissants restent impunies ».

Une première plainte avait été déposée contre Yoel O. en avril 2024. Celle-ci avait cependant été classée sans suite faute, selon le parquet, de caractérisation suffisante de l’infraction. Nos organisations se constituent parties civiles pour combattre l’inertie du parquet.

Paris, le 17 décembre 2024

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