Sortie le 25 décembre 2024
A travers l’histoire d’Ernest Cole, photographe sud-africain largement oublié, Raoul Peck nous livre un documentaire poignant, abordant tant l’apartheid, la ségrégation aux Etats-Unis que l’exil. Des thèmes que le cinéaste connait bien puisqu’ils ont parcouru sa propre vie. Haïtien dont la famille s’est exilée à l’époque du sinistre François Duvalier, Raoul Peck a milité contre l’apartheid et connait lui aussi le mal de ce pays où il est né et dans lequel, comme Ernest Cole, il n’a que peu d’espoir de retourner.
Le documentaire est construit sous la forme d’un long monologue à partir des textes d’Ernest Cole lui-même et dans lequel Raoul Peck prête sa voix au photographe. Il est illustré par les photos d’Ernest Cole, des témoignages et des images d’archives. Cela nous donne l’impression que c’est Ernest Cole lui-même qui raconte son histoire.
Ernest Cole est né à Pretoria en 1960. Très tôt, armé de son appareil, il photographie tout ce qu’il peut à hauteur d’homme, obligé le plus souvent de cacher son appareil. Raoul Peck nous dit que “Lorsqu’il était encore très jeune, Cole a été séduit par un livre de Cartier Bresson, Les gens de Moscou. Il y a trouvé son ambition, son rêve. (…), il y admirait aussi son regard sur l’humanité, cette manière d’observer avec une certaine distance le monde. (…) En réalité c’est ce qui l’a toujours intéressé : commenter la condition humaine. Alors il a commencé par ce qu’il se passait chez lui.”
Repéré par le régime, il doit fuir l’Afrique du Sud et part, en 1966, se réfugier aux Etats-Unis, symbole pour lui de liberté et de démocratie. Ayant sauvé ses pellicules, il publie un an plus tard un livre (House of Bondage) qui le rend célèbre en faisant connaitre visuellement pour la première fois les horreurs de l’apartheid.
Mais, très vite, les choses se compliquent. Dans les années 60, il est quasi impensable pour un photographe noir de faire carrière aux Etats-Unis. Il se rend compte que les missions qui lui sont données correspondent à sa couleur de peau. On l’envoie en reportage dans le sud du pays et il sent qu’il n’est plus seulement susceptible d’être arrêté, mais que sa vie est menacée.
Mais c’est aussi l’exil qui le ronge. Sans cesse, des annonces d’assassinats et de destructions de bidonvilles sont rapportées ; son pays ne le quitte jamais et la communauté sud-africaine, ou même africaine, est quasiment inexistante dans ces années-là.
Peu à peu, même s’il continue à photographier, il tombe dans l’oubli et beaucoup croient alors qu’il a cessé de prendre des photos. Il meurt en 1990 d’un cancer du pancréas, dans la misère, quelques semaines avant la libération de Nelson Mandela.
Pourtant en 2017, plus de 60 000 de ses clichés sont retrouvés dans les coffres-forts d’une banque suédoise…
Raoul Peck, une nouvelle fois, nous confronte avec le passé pour nous faire mieux réfléchir au présent. Il a reçu pour ce film l’Œil d’or, qui récompense les films documentaires au festival de Cannes.
Réalisation : Raoul Peck
Production : Velvet Films
Durée : 1h46