5 février 2025 – Tribune collective « Contrôlons X avant qu’il n’asphyxie nos démocraties » publiée sur La Croix

Tribune collective dont Arié Alimi, vice-président de la LDH, et Pierre-Antoine Cazau, membre du Bureau national de la LDH, sont signataires

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Dans une tribune publiée par La Croix, Christelle Morançais défend le maintien de son activité sur X et dénonce la « bien-pensance » de ses détracteurs. En réponse, les membres fondateurs de HelloQuitteX expliquent pourquoi le réseau social constitue selon eux une menace pour la démocratie.

Quand un théâtre brûle, il faut appeler les pompiers et aider les gens à sortir plutôt que lancer des faux débats. Quand le premier espace informationnel au monde rend volontairement les échanges toxiques, il met le feu à la démocratie. Il est alors sain de chercher à le quitter pour créer un autre espace qui respecte le pluralisme et les principes de la liberté d’expression, une liberté qui ne nuit pas à autrui par ses abus, celle décrite dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

La plateforme X représente un risque pour les individus et la société. Tout d’abord, elle amplifie l’hostilité des échanges. Par conception, ses algorithmes de recommandation mènent à une décohésion sociale et sont susceptibles de porter atteinte à la santé mentale de ses utilisateurs. Ensuite, elle laisse les discours de haine et les opérations de manipulation d’opinion proliférer faute de modération. De plus, un utilisateur n’y est pas propriétaire de ses données.

Enfin, son système centralisé donne tout pouvoir à Elon Musk. Il n’hésite pas à censurer ou supprimer les comptes et contenus qui lui déplaisent. Il a également créé et alimenté en mensonges des faux comptes, un faux site Web démocrate et financé des contenus néonazis. Il soutient désormais financièrement et médiatiquement des partis d’extrême droite en Angleterre et en Allemagne. Quelles seront les conséquences pour nos démocraties ?

L’algorithme de X n’est pas public

Depuis le 20 janvier 2025, Musk est devenu membre de l’administration Trump en tant que chef du « département de l’efficacité gouvernementale », une structure qui va opérer « en dehors du gouvernement fédéral », et qui a déjà mis la main sur le Trésor et les systèmes informatiques de l’Etat. J.D. Vance, aujourd’hui vice-président des Etats-Unis, menaçait en septembre dernier de cesser le soutien à l’Otan si l’Europe tentait de réguler X. Il faut se rendre à l’évidence : X est un outil puissant de désinformation et de manipulation politique.

Contrairement à ce que certains affirment, l’algorithme de X n’a pas été publié en « open source ». Une plateforme est « open source » s’il est possible de connaître précisément l’ensemble du code informatique utilisé pour la faire fonctionner. Cela permettrait de voir si certains contenus sont mis en avant de manière artificielle.

Sur X, seule la partie qui sélectionne les messages du fil de publications a été publiée en ligne sur le site GitHub, il y a deux ans. Aucun changement de cet algorithme, pourtant fréquemment modifié, n’a été publié depuis. Autrement dit, il s’agit d’une transparence partielle déjà datée, qui ne permet pas de contrôler les biais codés volontairement pour influencer l’opinion.

Défendre le journalisme

Pourquoi ne pas prôner également de quitter d’autres réseaux comme Facebook, TikTok ou Instagram ? La question est légitime. Mais, il n’y a pas encore d’alternative à Facebook ni à Instagram même si nombreux sont celles et ceux à en réclamer.

Pour Elon Musk, les médias traditionnels sont morts et seuls les utilisateurs de X, armés des notes de communauté, sont désormais à même de faire régner la vérité. Récemment, Mark Zuckerberg lui a emboîté le pas en mettant fin à ses collaborations avec des journalistes chargés de la vérification des faits.

Si nous considérons que l’information pluraliste est une condition nécessaire de la démocratie, nous devons défendre le journalisme comme moyen d’exercer le droit d’informer et d’être informé. À cet égard, les notes de communauté ne sont ni du journalisme, ni une alternative à la modération. Bien que légitimes dans les cas de vérification d’information, elles amplifient aussi les mensonges et deviennent des armes de harcèlement massif. Sur les thèmes fortement bipolarisés, elles sont systématiquement biaisées vers les groupes qui cherchent à imposer leur point de vue.

Sans ses utilisateurs, X n’est rien

Aujourd’hui, un mouvement massif de citoyens appelle à prendre conscience de cet état de fait et à quitter X ensemble vers des plateformes plus saines. Pour faciliter cette migration, notamment emmener ses contacts avec soi, l’Institut des systèmes complexes d’Ile-de-France, CNRS, a développé la plateforme « Open Portability ». Cette plateforme permet à tout citoyen, européen ou non, d’exercer son droit à la portabilité de ses données, prévu par le Règlement européen des services numériques DSA. Elle met le génie scientifique au service des droits des citoyens, et plus uniquement à celui des entrepreneurs du numérique. Une première mondiale made in France.

Après avoir conquis les Etats-Unis, Elon Musk s’intéresse donc au reste du monde, et X est son cheval de Troie pour déstabiliser les démocraties. Alors que l’on constate globalement la montée d’un fascisme décomplexé, il incombe à tous les défenseurs de la démocratie, quelle que soit leur couleur politique, de reprendre le contrôle des outils qui permettront de la préserver.

Et souvenons-nous : X n’a de pouvoir que parce que nous y sommes. Sans nous, il n’est rien.

Signataires :

Arié Alimi, vice-président, LDH
Pierre-Antoine Cazau, membre du Bureau national, LDH
Benjamin Sonntag, cofondateur de la Quadrature du Net
Benoît Piédallu, membre de la Quadrature du Net
Gregory Fabre, bureau de Nothing To Hide
Magali Payen, fondatrice de On est prêt
Pablo Aiquel, secrétaire générale SNJ-CGT
Soraya Morvan-Smith, secrétaire générale adjointe SNJ-CGT

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