Sous prétexte de lutter contre l’habitat informel, au préjudice de leurs habitants qui ne sont ni relogés ni hébergés, la politique générale menée à Mayotte se poursuit en fragilisant les populations étrangères dont la situation précaire s’est largement endurcie depuis le passage du cyclone Chido. La LDH continue à veiller au respect des droits fondamentaux malmenés dans ce territoire ultramarin.
Depuis le début des années 2000, le nombre d’habitations en tôle bac acier est en constante augmentation à Mayotte, en particulier sur les hauteurs de Mamoudzou.
En 2017, environ 38% des logements de l’île étaient construits en tôle, et les constructions en tôle constituent alors près de quatre logements sur dix selon l’Insee.
Ces cases de tôle abritent environ pour un tiers de français, un tiers de personnes en situation régulière et un tiers de personnes en situation irrégulière. Cette situation particulière s’explique par le fait qu’il n’existe, à proprement parler, pas de logements sociaux à Mayotte pour les classes populaires, faute de politique de logement social menée sur le territoire mahorais.
L’opération de police Wuambushu, menée en 2023, a conduit à la démolition de certains bidonvilles et à la destruction de 700 habitations. La majorité des personnes déplacées n’ont pas obtenu de solution de relogement durable et sont ainsi restées à la rue.
Le 14 décembre 2024, le passage, sur l’île de Mayotte, du cyclone Chido, accompagné de pluies intenses et de rafales de plus de 200 km/heure, a provoqué d’importants dégâts sur les infrastructures et les réseaux essentiels et a détruit les habitations de nombreuses personnes vivant sur l’île.
A la suite de la dépression cyclonique, le Premier ministre a promis « d’empêcher la reconstruction des bidonvilles à Mayotte », sans toutefois préciser où et comment les habitants seraient relogés.
Ainsi, par un arrêté n° 2025-SG-003 du 3 janvier 2025, le préfet de Mayotte a réglementé la vente de tôles bac acier aux motifs notamment que le département de Mayotte est concerné par une présence significative d’habitats précaires et insalubres, composés essentiellement de tôles en bac et d’éléments de clôture du même matériau, que ces constructions ont été détruites à l’occasion du passage du cyclone « Chido », qu’une partie de ces matériaux a constitué des projectiles à l’occasion du cyclone en raison de leur mauvaise fixation et, qu’en conséquence, l’emploi de ces tôles sans encadrement constitue un risque pour la sécurité des biens et personnes.
Cet arrêté a prévu, à compter du 4 janvier 2025 et jusqu’au 30 juin 2025, de restreindre la vente de tôles bac acier dans le département de Mayotte et de n’autoriser la vente de matériels qu’à seulement deux catégories de personnes : d’une part, les professionnels justifiant de leur inscription au registre des entreprises et dont l’activité est conditionnée par l’utilisation de tôles bac acier et, d’autre part, les particuliers dans le cadre de la remise en état de leur logement, sur présentation d’un « document national d’identité » et d’un « justificatif de domicile » auprès du revendeur.
L’impossibilité pour certaines personnes de pouvoir bénéficier de matériaux de construction entraîne, pour ces dernières, un préjudice grave et immédiat à leur situation, en faisant obstacle aux opérations de réparation rendues nécessaires par les destructions intervenues lors de l’épisode cyclonique. Cette impossibilité les maintiendra dans une situation d’extrême dénuement au moment de la saison des pluies.
En outre, l’arrêté oblige les professionnels à refuser la vente d’un produit de première nécessité aux personnes qui présentent une situation de vulnérabilité économique faute de disposer d’un domicile ou d’un domicile stable. Aussi, en limitant le bénéfice de certaines prestations sur la base d’un critère prohibé par la loi, sans que le but qui pourrait être légitimement recherché ne soit en lien avec la distinction ainsi instituée, les dispositions de l’arrêté sont constitutives d’une discrimination indirecte.
Forts de ce constat, la LDH, le Gisti et la Fasti ont saisi, le 8 janvier 2025, le tribunal administratif de Mayotte d’un recours en annulation assorti d’un référé-suspension. La Cimade et Médecins du monde sont intervenus volontairement au soutien des requêtes.
Par une ordonnance du 28 janvier 2025, le juge des référés a rejeté la requête en se fondant sur le défaut d’urgence. Le juge considère ainsi que, d’une part, la mesure de restriction de la vente de tôles bac acier a été ordonnée dans un contexte de rareté des matériaux de construction et du constat de l’importance des dégradations causées à l’habitat précaire du fait de leur inadaptation aux conditions climatiques du département, ainsi que des risques pour la sécurité des personnes qu’a constitué l’emploi de ces matériaux lors du passage du cyclone « Chido » et, d’autre part, que la reconstruction de cet habitat de fortune est intervenue dès les jours suivants du cyclone à partir notamment de matériaux de récupération.
Le recours en annulation demeure pendant.