Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH, et Evelyne Sire-Marin, vice-présidente de la LDH
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« L’instrumentalisation de la justice pénale des mineur·es à des fins sécuritaires tend à faire oublier l’effondrement de la protection de l’enfance et des moyens qui lui sont alloués ». Un ensemble de professionnel·les du secteur social, éducatif de la justice et des personnalités, appelle à des rassemblements le 12 février pour dire leur opposition à la proposition de loi Attal, examinée à l’Assemblée nationale.
Les déclarations de ces derniers jours et qui accompagnent désormais chaque drame mettant en cause des mineur·es, viennent porter une vision particulièrement simpliste et opportuniste de la justice des enfants en France. Le choc et la tristesse face à de tels drames doivent avant tout guider une action publique sobre et respectueuse du deuil des familles de victimes. Il est nécessaire de penser la responsabilité collective de notre société plutôt que de renoncer aux principes éducatifs qui fondent le sens même de la justice des mineur·es.
Les propos tenus dans la presse par certains membres du gouvernement, tendent à normaliser, voire valider les idées de l’extrême droite qui souhaitent détruire les fondements d’une justice spécialisée pour les enfants et les adolescent·es de ce pays. Il s’agit pourtant d’un principe fondamental, à valeur constitutionnelle et consacré par le droit international (Convention internationale des droits de l’enfant) qui repose sur le postulat qu’un·e enfant est un·e adulte en construction et doit à ce titre faire l’objet d’une prise en charge et d’un suivi spécifique. Il doit avant tout être protégé·es et accompagné·es.
L’instrumentalisation de la justice pénale des mineur·es à des fins sécuritaires tend à faire oublier l’effondrement de la protection de l’enfance et des moyens qui lui sont alloués. On comptait au 1er octobre 2024, 4211 mesures éducatives non attribuées. Ce sont autant de jeunes qui ont été repéré·es par l’institution judiciaire mais qui ne sont pas seront pas accompagné·es.
S’agissant du domaine de la protection de l’enfance, où les décisions de justice ne sont pas non plus exécutées, la Défenseure des Droits vient de rendre publique une « décision cadre » concernant la situation extrêmement dégradée de la protection de l’enfance, mettant en lumière des dysfonctionnements graves et globaux, qui génèrent des atteintes massives aux droits de l’enfant.
Aujourd’hui, la justice manque de tout pour les enfants, mais principalement de temps éducatif auprès des jeunes. Cette idée est complètement éludée au profit d’un simulacre « d’action/réaction » où l’incarcération de courte durée et du choix carcéral salvateur cachent une complaisance aux idées naïves et la volonté de ne pas mettre les moyens là où ils sont utiles et nécessaires.
Il est urgent de donner à la justice et aux services de l’aide sociale à l’enfance les moyens de protéger tous les enfants !
Alors que l’encre du CJPM (Code de la Justice Pénale des Mineurs) est à peine sèche voilà qu’il est remis en cause, la césure qui en a été le cœur est contestée, des ministres demandent la systématisation des peines de prisons courtes, nonobstant leur inefficacité.
Non seulement l’enfermement conduit à un plus grand nombre de réitérations que toute autre prise en charge mais il induit également d’importantes séquelles chez les enfants et les adolescent·es (Cf : étude d’Alice Simon sur les effets de l’incarcération 2023 : Les effets de l’enfermement sur les mineurs détenus | ministère de la Justice ).
Professionnel·les du secteur social éducatif, de la justice, du médico-social, de l’éducation, associations de défense des droits humains, humanistes, parents, nous soutenons des lois et des moyens pour éduquer nos enfants plutôt que pour les enfermer.
Nous appelons à la mobilisation et au sursaut pour défendre le droit à l’éducation les enfants de ce pays. Nous appelons à des rassemblements partout en France devant les tribunaux le 12 février 2025 et devant l’Assemblée nationale pour dire notre opposition à la proposition de loi Attal.
Premier-e-s signataires :
Organisations : SNPES-PJJ/FSU ; Syndicats des Avocats de France ; Syndicat de la Magistrature ; Observatoire International des Prisons – Section Française (OIP) ; CFDT INTERCO ; UNSa SPJJ ; la FNUJA ; le SNEPAP-FSU ; la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; l’Appel des appels ; SNUEP-FSU, ANJAP ; Association des Anciens du GENEPI, Fédération Syndicale Unitaire, ARAPEJ 41 ; Le Mouvement National Le Cri ; Emmaüs
Personnalités : Dominique Attias avocate et Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation des Avocats Européens ; Basile de Bure, journaliste et auteur de « la justice est-elle la même pour tous ? » ; Mathieu Palain, journaliste et auteur de « Sale gosse » , Blandine Rinkel, écrivaine ; « Vince l’éducateur spécial » , créateur de contenu ; Hervé Hamon , ancien président du Tribunal Pour Enfant de Paris ; Roland Gori, professeur honoraire de psychopathologie à l’université, psychanalyste, président de l’Appel des appels ; Louise Tourret, journaliste, écrivaine et productrice de « Être et savoir » sur France Culture ; Lolita Rivé, professeure des écoles, journaliste et productrice de « C’est quoi l’amour, maîtresse ? » ; Sylvain Lhuissier, auteur de « Décarcerer » ; Mahir Guven, écrivain et éditeur, auteur de « Grand frère » (Prix Goncourt du premier roman 2018), et « Rien de personnel »; Antoine Gentil, enseignant spécialisé, fondateur du dispositif expérimental Starter (Académie de Grenoble), auteur de « Classe réparatoire » ; Mireille Stissi Directrice Interrégionale honoraire de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ; Mairesse de Laval-en-Belledonne ; Maître Benoit David, Avocat au barreau de Paris, Lyes Louffok, Militant pour les droits des enfants ; Caroline Chevé, Secrétaire Générale de la FSU ; Nathalie Tehio, présidente de la LDH et avocate ; Evelyne Sire-Marin, vice-présidente de la LDH et magistrate honoraire ; Stéphane Danancier (dit Pavo), dessinateur de la presse sociale