Non à la majorité pénale à 16 ans !

Communiqué LDH

La proposition de loi dite « Attal » est en débat à l’Assemblée nationale. Cette nuit, des amendements ont rétabli deux dispositions particulièrement attentatoires aux principes applicables à l’enfance délinquante que la commission des lois avait, pour cette raison, supprimé du texte initial : dès 16 ans, la possibilité de comparution immédiate et la suppression de principe de l’excuse atténuante de minorité.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) rappelle que le Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021, a conservé les grands principes de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante : la priorité de l’éducatif sur la répression, tout en prévoyant, selon les faits et la personnalité des mineurs, la possibilité de prononcer des peines atténuées.

Selon le système bien connu d’une proposition de loi à chaque fait divers, Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait annoncé, le 18 avril 2024, lors d’un déplacement à Viry-Châtillon (Essonne), mener une réflexion demandée par Emmanuel Macron : la mise en place d’une comparution immédiate à partir de 16 ans et un aménagement de « l’excuse de minorité » (peine encourue divisée par deux par rapport à celle des adultes). Ces pistes de réflexions accentuent le tournant répressif continu du droit pénal des mineurs.

Un projet de loi a été déposé dès septembre 2024. Il a été repris, après la dissolution de l’Assemblée nationale par le député Gabriel Attal dans une proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.

Or, le Conseil constitutionnel a consacré dans une décision du 29 août 2002, le principe constitutionnel d’« atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge » et d’adaptation de la procédure en fonction de « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ». Cette réforme va  remettre en cause ces principes constitutionnels.

De plus, la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide) du 20 novembre de 1989 exige de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant (jusqu’à ses 18 ans) et le primat de l’éducatif. Or, cette  réforme unifierait le traitement des mineurs de plus de 16 ans sur celui des majeurs. La LDH (Ligue des droits de l’Homme) est opposée à la procédure de comparution immédiate, qui est déjà une procédure discriminante socialement et envers les personnes issues des minorités et qui laisse peu de place aux droits de la défense : les chercheurs ont démontré qu’une personne ayant commis le même fait a huit fois plus de risques d’être punie d’emprisonnement ferme que si le tribunal avait été saisi par le procureur par une autre procédure1. La LDH ne peut que dénoncer son extension à des enfants, alors que la procédure qui leur est appliquée doit être adaptée et viser leur relèvement éducatif.

Les syndicats de magistrats dénoncent « une vision hémiplégique et simpliste. On aggrave la répression alors qu’il faut plus de dispositifs éducatifs ».

L’Association des magistrats de la jeunesse et de la famille relève « une méconnaissance de la réalité des textes et de leur application… alors même que le nombre de mineurs mis en cause dans une procédure pénale ne cesse de baisser depuis plusieurs années, que les peines sont de plus en plus sévères et fréquentes (près de 50% des condamnations prononcées comportent une peine et pas exclusivement une mesure éducative, 10% des mineurs étant condamnés à de l’emprisonnement ferme) ».

La LDH demande que le droit pénal des mineurs continue à respecter le principe de minorité, progrès dans l’évolution du droit de tous les pays démocratiques.

La  LDH constate qu’aujourd’hui la justice des mineurs manque de temps éducatif auprès des jeunes : on comptait au 1er octobre 2024 plus de 4200 mesures décidées par les juges des enfants non prises en charge.

L’enfermement conduit à un plus grand nombre de réitérations que toute autre prise en charge et induit également d’importantes séquelles, source de graves déséquilibres chez les enfants et les adolescent-e-s2. La répression sans autre but que l’affichage de la « tolérance zéro » est donc inefficace et dangereuse socialement. Le but doit être de donner à tous les jeunes le désir de « faire société ».

La LDH estime qu’il est urgent de donner à la justice, à la protection judiciaire de la jeunesse et aux services de l’aide sociale à l’enfance les moyens de protéger tous les enfants.

Paris, le 13 février 2025

1 – Voir notamment Virginie Gautron et Jean‑Noël Retière « La décision judiciaire: jugements pénaux ou jugements sociaux? », Mouvements, n°88 2016 p.12.

2 – Etude d’Alice Simon sur les effets de l’incarcération 2023, Les effets de l’enfermement sur les mineurs détenus, ministère de la Justice.

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