Plusieurs ONG reçues par BNP Paribas à propos des violations du droit international par Israël

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Selon plusieurs ONG et syndicats, les réponses apportées par BNP Paribas concernant les liens entre ses activités et les violations du droit international humanitaire et des droits humains par les autorités israéliennes ne sont pas encore satisfaisantes mais indiquent la prise en considération progressive des enjeux droits humains dans les opérations de la banque.

Une délégation d’organisations de la société civile a rencontré, jeudi 23 janvier 2025, des représentants de BNP Paribas dans le cadre d’un dialogue concernant la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise vis-à-vis des violations des droits humains et du droit international humanitaire dans le territoire palestinien occupé. L’Association France Palestine solidarité, la CGT, la fédération CGT banques et assurances, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et l’Union syndicale Solidaires avaient adressé le 17 décembre dernier un courrier [1] à BNP Paribas, après une première rencontre organisée en septembre. En complément de notre rencontre du 23 janvier, BNP Paribas nous a adressé une réponse par lettre le 14 février 2025.

Notre lettre pointait en particulier les investissements de BNP Paribas en actions et/ou obligations dans 11 sociétés figurant sur la base de données de l’ONU des entreprises liées à la colonisation israélienne [2], selon les données collectées par le rapport DBIO IV [3]. Ce rapport indique que BNP Paribas détient aussi des actions et/ou des obligations pour plus de 3,3 milliards de dollars dans 21 autres sociétés qui participent activement à l’implantation illégale de colonies israéliennes dans le territoire palestinien occupé (TPO). Il convient d’y ajouter l’investissement en actions dans Elbit Systems, révélé par un article du média en ligne Off Investigation.

Parmi les exemples relevés, BNP Paribas a confirmé détenir des actions de Caterpillar, à un niveau inférieur à celui indiqué par les rapports et qu’elle estime minime, et nous a indiqué que les transactions publiées concernant l’actionnariat d’Elbit étaient exclusivement liés à des mécanismes d’investissement « passif » pour le compte de clients. Nous continuons d’estimer que Caterpillar fournit en Israël, en toute connaissance de cause, des bulldozers destinés à être blindés pour un usage militaire et la commission de crimes de guerre, et que BNP Paribas doit solder toute participation dans cette entreprise. Quant aux mécanismes d’investissement « passif », notamment par des couvertures de risques d’investissements réalisés par des clients, nous estimons que le devoir de vigilance des banques doit s’appliquer aussi pour ces mécanismes et les produits associés.

BNP Paribas nous a fait part de la politique de non-communication publique du groupe sur ses décisions d’investissement en invoquant des règles de non-intervention sur le marché. Nos organisations souhaitent poursuivre les discussions à ce propos, en gardant à l’esprit que le devoir de vigilance impose aux entreprises, et a fortiori à BNP Paribas à l’instar d’autres fonds d’investissements [4], d’agir en toute transparence et d’informer de manière publique sur les mesures prises pour se conformer à leurs obligations et engagements en termes de devoir de vigilance.

En ce qui concerne les prêts relevés par le rapport DBIO IV, BNP Paribas a vivement contesté la prise en compte de son implication indirecte dans la colonisation par des prêts consentis aux entreprises figurant sur la liste de l’ONU, mais pour des projets qui ne sont pas liées à ce secteur géographique. Elle a précisé qu’elle n’a pas de financement direct dans des projets participant à l’occupation israélienne de la Palestine, qu’elle n’a pas de présence ou d’activité domestique en Israël depuis 2014 et qu’elle n’y accompagne pas de projet.

Selon les standards internationaux en vigueur, BNP Paribas a la responsabilité d’agir et d’éviter de faciliter les violations des droits de l’Homme par le biais de ses financements, y compris en utilisant son influence pour faire pression sur ses clients et les entreprises qu’elle finance afin qu’ils mettent fin à leurs activités contraires au droit international et aux droits humains. Nos organisations ont en effet fait observer que, même si les financements considérés ne sont pas fléchés vers des projets liés à la colonisation, ils contribuent à renforcer ces entreprises et l’ensemble de leurs activités dont celles liées à la colonisation.

Au-delà des principes très généraux qu’elle affirme prendre en compte dans sa responsabilité ESG, nous avons relevé que BNP Paribas :

  • assure qu’elle n’a plus de prêt en cours avec Elbit, les prêts relevés dans les rapports ayant été remboursés .
  • nous fait observer qu’elle n’est pas partie prenante dans une nouvelle opération d’émission obligataire par l’etat d’Israël (ce qui vient d’être effectivement confirmé par une dépêche Reuters du 12 février) [5].

Nos organisations notent ces avancées qui peuvent être mises en relation avec le travail de plaidoyer et la mobilisation citoyenne. Elles observent aussi que la portée de ces avancées reste limitée par la politique de non-communication du groupe, et par l’absence d’engagement à plus long terme.

Dans un contexte marqué par la multiplication de violations graves du droit international humanitaire et des droits humains à l’encontre de la population palestinienne, nos organisations soulignent que BNP Paribas et les autres acteurs du système financier ont l’obligation d’exercer une vigilance accrue et de prendre des décisions concrètes de désengagement. Dans cette perspective, nos organisations restent engagées dans un dialogue exigeant avec le groupe BNP Paribas et appellent l’ensemble des entreprises du secteur bancaire à la responsabilité.

Signataires : Association France Palestine Solidarité, CGT, fédération CGT banques et assurances, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, Union syndicale Solidaires

Paris, le 18 février 2025

Télécharger le communiqué « Plusieurs ONG reçues par BNP Paribas à propos des violations du droit international par Israël » en format PDF

[1] Le courrier adressé à BNP Paribas en décembre 2024 peut être consulté en suivant ce lien : https://plateforme-palestine.org/IMG/pdf/lettre_dg_bnp_17_decembre_2024.pdf?8568/50a4e621c5a4f65cc13deff45aef6522191d0156d7e76017c8d410d0676cf188
[2] La base de données de l’ONU des entreprises liées à la colonisation israélienne peut être consultée en suivant ce lien : https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/hrcouncil/sessions-regular/session31/database-hrc3136/23-06-30-Update-israeli-settlement-opt-database-hrc3136.pdf
[3] Le rapport Don’t Buy Into Occupation 2024 peut être téléchargé en suivant ce lien : https://dontbuyintooccupation.org/reports/dont-buy-into-occupation-report-2024/
[4] Ainsi, KLP, le plus gros fond de pension norvégien, s’est désinvesti de Caterpillar en juin 2024  (https://www.al-monitor.com/originals/2024/06/norways-largest-pension-fund-divests-caterpillar-accused-israel-links)
[5] https://www.reuters.com/world/middle-east/israel-sells-5-billion-bonds-despite-gaza-ceasefire-concerns-2025-02-12/
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