Texte du groupe de travail « laïcité »
III/ Le long XIX° siècle, la place de l’Eglise catholique, le combat anticlérical républicain.
a) Deuxième période de laïcisation jusqu’aux lois scolaires de 1881-1886.
La montée en puissance de l’église catholique dans la première moitié du XIX° siècle, son rôle dans les colonisations, le rôle de contrôle par l’inspection de tous les degrés de l’enseignement que lui confie la Loi Falloux en 1850 dans le dessein de maîtriser sinon d’empêcher la propagations des idées socialistes dix huit mois après Juin 1848, expliquent la virulence du combat anticlérical à la fin du XIX° siècle. En 1871 la Commune institue de nouveau la Séparation ; le régime de l’ordre moral qui lui succède va tenter d’instrumentaliser l’église catholique pour favoriser la Restauration de la monarchie ; quand les Républicains parviennent au pouvoir en 1877, le processus de laïcisation reprend : les cimetières ne sont plus des territoires religieux, la possibilité du divorce , supprimée en 1815, est rétablie ; mais surtout, entre 1881 et 1886 les lois Ferry et Goblet instituent une instruction primaire obligatoire grâce à une école publique gratuite et laïque dans ses programmes – exit l’instruction religieuse -, dans ses personnels et ses locaux. Non seulement les religieux sont
exclus de l’enseignement public élémentaire, mais l’instruction religieuse ne se fait plus à l’école publique qui vaque le jeudi pour permettre aux parents qui le désirent d’envoyer leurs enfants aux cours d’instruction religieuse.
b) La République anticléricale militante.
La III° République poursuivra la mise au pas des congrégations religieuses, enseignantes ou non, par la loi sur les associations de 1901, très favorable aux associations civiles, et très contraignante pour les congrégations religieuses ; en 1904 les enseignants qui appartiennent à des congrégations se voient interdire la possibilité d’enseigner s’ils ou elles demeurent congréganistes ; trente mille religieux quittent la France ; il faut bien comprendre l’attitude des Républicains en rappelant que les catholiques en général, et certaines congrégations comme celle des Assomptionnistes – La Croix, Le Pèlerin -, ont mené un combat antirépublicain et antisémite extrêmement violent au moment de l’ affaire Dreyfus (Pierre Birnbaum, Pierre Pierrard), comme ils avaient tout fait pour favoriser la restauration monarchique entre 1871 et 1877, comme ils avaient soutenu Boulanger. Les catholiques, et l’église catholique paraissent n’avoir à cette époque qu’un seul projet politique : abattre la République afin de restaurer la monarchie. Le pape Léon XIII avait bien recommandé le ralliement à la République en 1891, mais les catholiques républicains, il y en a quelques-uns, sont très minoritaires. Dans ces années là, l’antisémitisme outrancier de Drumont rallie une grande partie du clergé et des fidèles. L’anticléricalisme est donc une nécessité de survie pour la république. Mais pour autant les Républicains ne souhaitent pas exercer par la seule école publique le monopole de l’enseignement, dont ils pensent qu’il doit demeurer pluraliste pour éviter la cristallisation d’une dogmatique républicaine, contraire à la laïcité (Buisson, Jaurès). En 1904, les relations diplomatiques avec le Saint Siège sont rompues, à la suite de la visite officielle du Président Loubet aux souverains italiens à Rome, visite au cours de laquelle le Président de la République Française ignore, ou feint d’ignorer que le pape, retiré au Vatican depuis 1871, se considère toujours comme le seul souverain légitime de la ville.
c) Le tournant de la loi de séparation et l’apaisement jusqu’à 1927.
Du coup, on comprend difficilement la loi de 1905 et la volonté d’apaisement de Buisson, Jaurès et Briand qui portent cette loi. En fait il s’agit de sortir de cette guerre des deux France, l’une catholique, l’autre Républicaine ; en séparant les églises et l’Etat, l’idée d’une France catholique perd de sa force ; et d’une certaine façon, en prenant toutes les dispositions pour que l’église catholique ne puisse pas se mettre hors des lois républicaines ( les inventaires des biens des lieux de culte, rendus nécessaires pour leur dévolution aux associations prévues par la loi sont interrompues quand la résistance de certains fidèles catholiques qui veulent s’y opposer provoque la mort d’un gendarme ; l’Eglise catholique refuse la création de ces nouvelles associations et, pour ne pas interrompre les pratiques cultuelles, le clergé et les fidèles pourront continuer d’utiliser les locaux et les biens avant qu’une solution réglementaire intervienne), Briand gagnera son pari contre les anticléricaux intransigeants, parmi lesquels la majorité des ligueurs de l’époque, qui souhaitaient déstabiliser l’église catholique. Ajoutons que tous les républicains voteront le texte de la loi rapporté par Briand. Mais il faudra attendre 1923-1926 pour que l’Eglise catholique, (avec laquelle les relations diplomatiques ont été rétablies en 1922 époque où le représentant du Saint-Siège devient doyen du corps diplomatique), accepte les associations cultuelles, et la République admettra qu’elles soient diocésaines pour respecter la hiérarchie interne de l’église catholique. On entre donc dans la voie des « accommodements raisonnables ». Ainsi en 1927 le Vatican condamnera l’Action Française, mouvement anti-républicain et monarchiste qui prétendait fonder sur la doctrine catholique son combat anti-républicain. Dans le texte de la loi de 1905, pour respecter la liberté des cultes, la République qui cesse par la loi elle-même de les subventionner et de les salarier, institue dans les hôpitaux, les prisons et les internats des lycées des aumôneries dont elle finance le fonctionnement. La loi de 1905 a été une loi libérale « toujours appliquée libéralement » (Patrice Rolland). C’est ainsi que tous les arrêtés municipaux pris au nom de la Séparation, et qui prétendaient limiter ou restreindre la visibilité des cultes dans l’espace public sont cassés en conseil d’Etat au nom de la loi elle-même.
d) Les statuts d’exception.
D’autre part , les lois de séparation de l’église et de l’école et la loi de séparation des églises et de l’Etat ne seront pas appliqués aux trois départements d’Alsace Moselle, annexés au Reich allemand en 1871 et revenus à la République en 1918. La chambre bleu horizon y renonce en 1919, et le gouvernement du bloc des gauches fera de même lorsque la gauche revient au pouvoir en 1924. La Fédération Nationale Catholique (Castelnau président) menace le gouvernement de manifestations non seulement en Alsace-Moselle mais sur l’ensemble du territoire métropolitain. La guerre, le retour provisoire des congréganistes autorisé par Malvy, ministre de l’Intérieur en 1914, le fait que tous les Français avaient souffert les mêmes épreuves ont modifié les points de vue et changé l’importance relative de certains modes de penser. Il faut noter que les dispositions de la loi ne s’appliqueront pas dans les colonies, et par exemple en Algérie, dans le but de contrôler les musulmans au moyen du contrôle de leur religion.
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