Texte adopté par le Comité central de la LDH
À plusieurs reprises, la LDH a été amenée à s’exprimer sur la situation qui prévaut au pays basque espagnol comme au pays basque français. Elle entend rappeler ici les principes qui guident son action et déterminent sa réflexion.
Pendant toute la dictature franquiste, le peuple et la culture basques, comme d’autres peuples et cultures faisant partie de l’Espagne, ont été niés et ont été soumis à une répression féroce qui a conduit à des actions violentes contre le régime.
La LDH n’oublie pas cette période noire de l’histoire de l’Espagne et rappelle que les victimes de la répression franquiste doivent être pleinement et totalement réhabilitées.
En France, la situation fut différente. La citoyenneté de chacun a été reconnue dans le cadre d’une démocratie et des lois de la République, en même temps que la culture basque, comme cela est le cas pour d’autres cultures régionales, a été niée pendant de longues années et reste peu reconnue.
L’avènement de la démocratie en Espagne, l’adoption d’un statut de très large autonomie, pour le pays basque comme pour d’autres régions espagnoles, ont profondément modifié la situation.
Alors que la violence politique contre les institutions franquistes n’était que la réponse à une dictature, l’établissement d’un système démocratique ne permet plus de justifier de tels actes.
C’est la raison pour laquelle la LDH n’a jamais cessé de condamner le recours à des attentats et des violences de toute nature, surtout lorsqu’ils sont dirigés contre des personnes. La peur instillée par des agressions quotidiennes porte atteinte au débat démocratique. En aucune manière, la violence de l’ETA ne peut donc recevoir notre assentiment. La démocratie espagnole est fondée à se défendre contre de tels agissements.
En même temps, nous constatons que les autorités espagnoles ont usé et usent encore de méthodes intolérables de la part d’une démocratie. Le recours à des assassinats commandités par des autorités espagnoles, sans que les principaux responsables de ces actes aient été sanctionnés, la persistance, encore aujourd’hui, comme l’a reconnu la Cour d’appel de Pau, de faits de tortures avérés, l’établissement d’une juridiction d’exception, la criminalisation de mouvements politiques ou associatifs, la fermeture de journaux, sont autant d’atteintes aux libertés publiques et individuelles, inacceptables dans une démocratie.
En France, les actes de violences n’ont jamais atteint, et c’est heureux, le niveau constaté de l’autre côté de la frontière. Ils n’en demeurent pas moins tout autant condamnables, comme sont inacceptables les méthodes de la section anti-terroriste et la violation des droits des personnes commise à l’occasion des expulsions de militants basques remis aux autorités espagnoles ou relatives aux conditions de détention des personnes condamnées.
Ces violations des droits de l’Homme, qu’elles émanent des États ou de groupes politiques, doivent cesser pour laisser la place à une solution politique.
La LDH constate avec satisfaction que celle-ci reçoit un début d’application avec la décision de l’ETA de mettre un terme à ses violences. Les intimidations à l’encontre des élus ou des entreprises doivent aussi être bannies. Il est plus que jamais nécessaire que le débat politique retrouve sa place. À ce titre, il faut cesser de criminaliser l’expression politique du mouvement indépendantiste. Il doit être mis un terme aux pratiques d’exception de la justice espagnole, les auteurs d’actes de tortures doivent être poursuivis et les conditions de détention des prisonniers doivent permettre le rapprochement avec leur famille.
La revendication d’indépendance que portent plusieurs mouvements politiques basques en Espagne, y compris celui qui est au pouvoir actuellement au pays basque espagnol, ne saurait être criminalisée. Elle doit être regardée comme un projet politique ayant tout autant droit de cité qu’un autre. Cependant, une telle revendication ne peut trouver à s’exprimer que dans le cadre d’une expression réellement démocratique. À ce titre, et en premier lieu, ce sont bien tous les habitants du pays basque espagnol, qui y vivent et qui y travaillent, qui sont concernés. Aucune distinction, selon les origines, ne saurait être admise. La France doit satisfaire aux mêmes obligations et, de plus, refuser de déférer aux différents mandats d’arrêts délivrés par les autorités espagnoles sous l’empire de la législation européenne qui montre, ici, sa nocivité. Elle doit accepter, le moment venu, de faciliter l’issue des discussions qui auront lieu entre l’ETA et le gouvernement espagnol.
Sauf à nier la réalité, si la revendication d’indépendance n’est pas plus illégitime en France qu’en Espagne, aucun élément ne permet de considérer qu’elle emporte une adhésion suffisamment significative pour qu’elle ait les mêmes conséquences politiques d’un côté et de l’autre de la frontière.
Revendiquer qu’un référendum sur l’indépendance soit organisé en même temps en Espagne et en France reviendrait à ne pas tenir compte de cette réalité et amènerait à nier la situation propre du pays basque français.
Par ailleurs, la LDH considère que, dans les limites qu’avaient définies le précédent gouvernement français, la signature de la charte des langues et cultures minoritaires reste un des moyens pour répondre à la demande de reconnaissance d’une culture basque qui doit pouvoir pleinement s’exprimer.
La LDH reste persuadée que seul un débat démocratique, exempt de violences, peut permettre de dégager une solution politique d’autant plus nécessaire qu’il n’en est pas d’autre possible.
Texte adopté par le Comité central du 22 avril 2006. Voté à l’unanimité.
Paris, le 22 avril 2006