Tribune Jean-Pierre Dubois (Président de la LDH), Henri Leclerc et Michel Tubiana (Présidents d’honneur de la LDH)
Caroline Fourest, Corinne Lepage et Pierre Cassen lancent un appel «contre un nouvel obscurantisme» (Libération du 28 avril); ils s’élèvent contre le racisme et appellent à lutter contre l’islam politique réactionnaire. Ne boudons pas notre plaisir de voir ces trois personnalités reprendre à leur compte l’analyse sociale des causes du racisme et le rejet des amalgames entre musulmans et terrorisme ou Islam et intégrisme. Cela change des discours que l’on peut lire dans Respublica s’en prenant aux musulmans qui «réquisitionnent les rues voisines [de Barbès] pour se prosterner en direction de la Mecque», et «à l’attitude irresponsable de la police face à cette réquisition de l’espace public ainsi qu’au regard des troubles provoqués pour la circulation automobile». Sans compter les diatribes contre le «juif converti Lustiger» attendues par des religieuses qui «toutes arborent des hijabs aux couleurs ternes», ou l’intolérance à l’encontre des lieux de culte lorsque, du fait de l’implantation d’une mosquée, «l’école aura à subir une servitude de vue qui est susceptible d’enfreindre la liberté pédagogique». Ou encore l’appel à exiler des citoyens français parce qu’ils sont membres de l’Union des organisations islamiques de France!
Arrêtons là le rappel du passé! Si ce n’est que, présent à l’esprit de tous ceux qui ont toujours plaidé pour une réponse universelle au racisme et à l’antisémitisme, il est à craindre qu’il restreigne la confiance accordée aux nouveaux convertis. Rappelons quelques évidences. Le racisme et l’antisémitisme trouvent à s’exprimer et à grandir sur le terreau de l’exclusion dont sont victimes des catégories entières de population, enfermées dans des ghettos territoriaux et sociaux, assignés à résidence par leurs origines, discriminées quotidiennement. Les représentations coloniales sont encore pleinement à l’oeuvre dans une France qui refuse de regarder son histoire en face, même si la situation n’est en rien une continuation de la lutte anticoloniale ou si les populations issues de cette histoire ne sont pas une nouvelle catégorie politique. Nous avons besoin d’une école qui cesse de reproduire les mécanismes de ségrégation sociale qui pèse sur cette institution. Il faut reconnaître concrètement à tous une égalité des droits (et non des chances) sans recourir à un quelconque «espoir religieux» ou à une prétendue discrimination positive qui n’est, dans l’esprit de son auteur, que la forme contemporaine de la charité individuelle. Et encore restreinte aux seuls Français, tant monsieur Sarkozy flatte la xénophobie ambiante.