Editorial publié le 23 juin 2008 sur le site de Terra Nova
Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue des Droits de l’Homme, s’indigne de la condition faite aux sans papiers en France. Des drames tels que celui du centre de rétention de Vincennes ne pourront malheureusement que se répéter tant que la «xénophobie d’Etat » continuera de prospérer.
Le Centre de rétention de Vincennes est revenu depuis quelques jours sous les feux de l’actualité, avec la mort d’un sans papiers tunisien le 20 juin puis l’incendie de la plus grande partie des bâtiments du Centre le 22.
Il est à peu près certain que ces deux événements dramatiques sont liés : c’est parce qu’ils ont considéré que leur camarade, victime d’une crise cardiaque, n’avait pas été secouru avec la célérité convenable que les sans papiers de Vincennes ont vraisemblablement mis le feu à leur literie et ainsi provoqué l’incendie. Réaction de colère mais aussi de désespoir dont il faut bien prendre la mesure.
La « politique du chiffre », qui conduit Monsieur Hortefeux, dûment chapitré par Nicolas Sarkozy, à intensifier sans cesse la traque des sans papiers, provoque dans les centres de rétention, et singulièrement à Vincennes qui était le plus grand de France, une surpopulation et une tension elles aussi croissantes. On se rappelle l’intervention brutale des forces de police l’hiver dernier, avec utilisation du Taser qui a conduit un sans papiers à l’hôpital et a déclenché une enquête de l’IGPN, et aussi la longue grève de la faim qui signalait le passage d’une relative résignation à la révolte de ce qu’il faut bien appeler des internés administratifs.
Il est malheureusement probable que d’autres drames rappellent à nos concitoyens le sort indigne fait à celles et ceux qui ont commis le grand crime de ne pas avoir de titre de séjour. Tant que perdurera cette politique aussi insupportable humainement qu’absurde et inefficace du point de vue même de l’intérêt national, nous devrons continuer à compter les révoltes, les interventions policières musclées, les familles déchirées et aussi – on approche la dizaine depuis un an – les morts de ceux qui auront tenté d’échapper à la nasse ou n’auront pas supporté l’enfermement et l’exil.
Ainsi va la xénophobie d’Etat dans une Europe guettée par le vieillissement, l’enfermement et le repli sur les vestiges de sa longue domination du monde.
Paris, le 25 juin 2008