11 novembre 1997 – ExtraitsLa Conférence générale,
[…]
Reconnaissant que les recherches sur le génome humain et leurs applications ouvrent d’immenses perspectives d’amélioration de la santé des individus et de l’humanité tout entière, mais soulignant qu’elles doivent en même temps respecter pleinement la dignité, la liberté et les droits de l’homme, ainsi que l’interdiction de toute forme de discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques, Proclame les principes qui suivent et adopte la présente déclaration.
A. LA DIGNITE HUMAINE ET LE GENOME HUMAIN
Article 1 Le génome humain sous-tend l’unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité intrinsèque et de leur diversité. Dans un sens symbolique, il est le patrimoine de l’humanité.
Article 2
a) Chaque individu a droit au respect de sa dignité et de ses droits, quelles que soient ses caractéristiques génétiques.
b) Cette dignité impose de ne pas réduire les individus à leurs caractéristiques génétiques et de respecter le caractère unique de chacun et leur diversité.
Article 3 Le génome humain, par nature évolutif, est sujet à des mutations. Il renferme des potentialités qui s’expriment différemment selon l’environnement naturel et social de chaque individu, en ce qui concerne notamment l’état de santé, les conditions de vie, la nutrition et l’éducation.
Article 4 Le génome humain en son état naturel ne peut donner lieu à des gains pécuniaires.
B. DROITS DES PERSONNES CONCERNéES
Article 5
a) Une recherche, un traitement ou un diagnostic, portant sur le génome d’un individu, ne peut être effectué qu’après une évaluation rigoureuse et préalable des risques et avantages potentiels qui leur sont liés et en conformité avec toutes autres prescriptions prévues par la législation nationale.
b) Dans tous les cas, le consentement préalable, libre et éclairé de l’intéressé(e) sera recueilli. Si ce(tte) dernie(è)r(e) n’est pas en mesure de l’exprimer, le consentement ou l’autorisation seront obtenus conformément à la loi et seront guidés par son intérêt supérieur.
c) Le droit de chacun de décider d’être informé ou non des résultats d’un examen génétique et de ses conséquences devrait être respecté.
d) Dans le cas de la recherche, les protocoles de recherche doivent être soumis, de plus, à une évaluation préalable, conformément aux normes ou lignes directrices nationales et internationales applicables en la matière.
e) Si conformément à la loi une personne n’est pas en mesure d’exprimer son consentement, une recherche portant sur son génome ne peut être effectuée qu’au bénéfice direct de sa santé, sous réserve des autorisations et des mesures de protection prescrites par la loi. Une recherche ne permettant pas d’escompter un bénéfice direct pour la santé ne peut être effectuée qu’à titre exceptionnel, avec la plus grande retenue, en veillant à n’exposer l’intéressé(e) qu’à un risque et une contrainte minimum, et si cette recherche est effectuée dans l’intérêt de la santé d’autres personnes appartenant au même groupe d’âge ou se trouvant dans les mêmes conditions génétiques, et sous réserve qu’une telle recherche se fasse dans les conditions prévues par la loi et soit compatible avec la protection des droits individuels de la personne concernée.
Article 6 Nul ne doit faire l’objet de discriminations fondées sur ses caractéristiques génétiques, qui auraient pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits individuels et à ses libertés fondamentales et à la reconnaissance de sa dignité.
Article 7 La confidentialité des données génétiques associées à une personne identifiable, conservées ou traitées à des fins de recherche ou dans tout autre but, doit être protégée dans les conditions prévues par la loi.
Article 8 Tout individu a droit, conformément au droit international et au droit interne, à une réparation équitable du dommage qu’il aurait subi et dont la cause directe et déterminante serait une intervention portant sur son génome.
Article 9 Pour protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, des limitations aux principes du consentement et de la confidentialité ne peuvent être apportées que par la loi, pour des raisons impérieuses et dans les limites du droit international public et du droit international des droits de l’homme.
C. RECHERCHES SUR LE GÉNOME HUMAIN
Article 10 Aucune recherche concernant le génome humain, ni aucune de ses applications, en particulier dans les domaines de la biologie, de la génétique et de la médecine, ne devrait prévaloir sur le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité humaine des individus ou, le cas échéant, de groupes d’individus.
Article 11 Des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction d’êtres humains, ne doivent pas être permises. Les États et les organisations internationales compétentes sont invités à coopérer afin d’identifier de telles pratiques et de prendre, au niveau national ou international, les mesures qui s’imposent, conformément aux principes énoncés dans la présente Déclaration.
Article 12
a) Chacun doit avoir accès aux progrès de la biologie, de la génétique et de la médecine, concernant le génome humain, dans le respect de sa dignité et de ses droits.
b) La liberté de la recherche, qui est nécessaire au progrès de la connaissance, procède de la liberté de pensée. Les applications de la recherche, notamment celles en biologie, en génétique et en médecine, concernant le génome humain, doivent tendre à l’allégement de la souffrance et à l’amélioration de la santé de l’individu et de l’humanité tout entière.
D. CONDITIONS D’EXERCICE DE L’ACTIVITÉ SCIENTIFIQUE
Article 13 Les responsabilités inhérentes aux activités des chercheurs, notamment la rigueur, la prudence, l’honnêteté intellectuelle et l’intégrité, dans la conduite de leurs recherches ainsi que dans la présentation et l’utilisation de leurs résultats, devraient faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre des recherches sur le génome humain, compte tenu de leurs implications éthiques et sociales. Les décideurs publics et privés en matière de politiques scientifiques ont aussi des responsabilités particulières à cet égard.
Article 14 Les États devraient prendre les mesures appropriées pour favoriser les conditions intellectuelles et matérielles propices au libre exercice des activités de recherche sur le génome humain et pour prendre en considération les implications éthiques, juridiques, sociales et économiques de ces recherches, dans le cadre des principes prévus par la présente Déclaration.
Article 15 Les États devraient prendre les mesures appropriées pour fixer le cadre du libre exercice des activités de recherche sur le génome humain dans le respect des principes prévus par la présente Déclaration, afin de garantir le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité humaine et la protection de la santé publique. Ils devraient chercher à s’assurer que les résultats de ces recherches ne servent pas à des fins non pacifiques.
Article 16 Les États devraient reconnaître l’intérêt de promouvoir, aux différents niveaux appropriés, la création de comités d’éthique indépendants, pluridisciplinaires et pluralistes, chargés d’apprécier les questions éthiques, juridiques et sociales soulevées par les recherches sur le génome humain et leurs applications.
E. SOLIDARITé ET COOPéRATION INTERNATIONALE
Article 17 Les États devraient respecter et promouvoir une solidarité active vis-à-vis des individus, des familles ou des populations particulièrement vulnérables aux maladies ou handicaps de nature génétique, ou atteints de ceux-ci. Ils devraient notamment encourager les recherches destinées à identifier, à prévenir et à traiter les maladies d’ordre génétique ou les maladies influencées par la génétique, en particulier les maladies rares ainsi que les maladies endémiques qui affectent une part importante de la population mondiale.
Article 18 Les États devraient s’efforcer, dans le respect des principes prévus par la présente Déclaration, de continuer à favoriser la diffusion internationale de la connaissance scientifique sur le génome humain, sur la diversité humaine et sur les recherches en génétique et, à cet égard, à favoriser la coopération scientifique et culturelle, notamment entre pays industrialisés et pays en développement.
Article 19
a) Dans le cadre de la coopération internationale avec les pays en développement, les États devraient s’efforcer d’encourager des mesures visant à :
i) évaluer les risques et les avantages liés aux recherches sur le génome humain et prévenir les abus;
ii) étendre et renforcer la capacité des pays en développement de mener des recherches en biologie et en génétique humaines, compte tenu de leurs problèmes spécifiques ;
iii) permettre aux pays en développement de bénéficier des avancées de la recherche scientifique et technologique, de façon à favoriser le progrès économique et social au profit de tous ;
iv) favoriser le libre échange des connaissances et de l’information scientifiques, dans les domaines de la biologie, de la génétique et de la médecine.
b) Les organisations internationales compétentes devraient soutenir et promouvoir les initiatives prises par les États aux fins énumérées ci-dessus.
F. PROMOTION DES PRINCIPES DE LA DéCLARATION
Article 20 Les États devraient prendre les mesures appropriées pour promouvoir les principes énoncés dans la Déclaration, par l’éducation et les moyens pertinents, notamment par la conduite de recherches et de formations dans des domaines interdisciplinaires et par la promotion de l’éducation à la bioéthique à tous les niveaux, en particulier à l’intention des différents responsables de politiques scientifiques.
Article 21 Les États devraient prendre les mesures appropriées pour encourager toutes autres actions de recherche, de formation et de diffusion de l’information de nature à renforcer la prise de conscience des responsabilités de la société et de chacun de ses membres face aux problèmes fondamentaux au regard de la défense de la dignité humaine, que peuvent soulever la recherche dans les domaines de la biologie, de la génétique et de la médecine, et les applications qui en découlent. Ils devraient favoriser sur ce sujet un débat largement ouvert sur le plan international, assurant la libre expression des différents courants de pensée socioculturels, religieux et philosophiques.
G. MISE EN ŒUVRE DE LA DECLARATION
Article 22 Les États devraient s’efforcer de promouvoir les principes énoncés dans la présente Déclaration et, par toutes mesures appropriées, favoriser leur mise en œuvre.
Article 23 Les États devraient prendre les mesures appropriées pour promouvoir, par l’éducation, la formation et la diffusion de l’information, le respect des principes ci-dessus énoncés et favoriser leur reconnaissance et leur application effective. Les États devraient également encourager les échanges entre les comités d’éthique indépendants, quand ils existent, et leur mise en réseaux, afin de favoriser la coopération entre eux.
Article 24 Le Comité international de bioéthique de l’UNESCO devrait contribuer à la diffusion des principes énoncés dans la présente déclaration et à l’approfondissement des questions que posent leurs applications et l’évolution des techniques en cause. Il devrait organiser toute consultation utile avec les parties concernées telles que les groupes vulnérables. Il devrait formuler, suivant les procédures statutaires de l’UNESCO, des recommandations à l’intention de la Conférence générale et des avis quant au suivi de la Déclaration, en particulier quant à l’identification des pratiques qui pourraient être contraires à la dignité humaine, telles que les interventions sur la lignée germinale.
Article 25 Aucune disposition de la présente déclaration ne peut être interprétée comme pouvant être invoquée de quelque façon par un État, un groupement ou un individu pour se livrer à une activité ou accomplir un acte à des fins contraires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, y compris aux principes énoncés dans la présente déclaration.