Communiqué commun FIDH, ACAT-France, LDH, LTDH, Survie, Agir Ensemble pour les droits de l’HommeNos organisations regrettent qu’un an après les faits, les autorités tchadiennes n’aient apporté aucune réponse quant au sort de l’opposant M. Ibni Mahamat Saleh, enlevé par les forces armées le 3 février 2008, et n’aient toujours pas engagé d’enquêtes et de poursuites à l’encontre des agents de l’Etat responsables de cette disparition forcée et de ceux qui se sont rendus responsables des violations graves des droits de l’Homme à l’occasion de la tentative de coup d’Etat de février 2008.
La Commission d’enquête mis en place pour faire la lumière sur les événements de février 2008 avait clairement établie la responsabilité de la garde présidentielle dans cette disparition forcée. Pourtant, à ce jour aucune réponse n’a été apportée quant au lieu de détention et au sort réservé à M. Ibni Mahamat Saleh.
Plus largement, nos organisations demeurent préoccupées par la situation d’impunité qui prévaut au Tchad pour les auteurs de violations des droits de l’Homme en dépit des conclusions de la Commission d’enquête sur les événements de février 2008. Celle-ci avait pourtant établie que la majorité des exactions et des graves violations des droits de l’Homme perpétrées lors de l’offensive et surtout après le retrait des forces rebelles étaient le fait d’action de représailles par l’Armée nationale tchadienne (ANT) et recommandait, entre autre, la poursuite des enquêtes et le jugement des responsables.
Nos organisations expriment leurs plus vives inquiétudes quant à l’absence de volonté des autorités tchadiennes de donner suite aux conclusions de la Commission. En effet, elles déplorent la mise en place d’un Comité de suivi composé exclusivement de ministres, sans observateurs internationaux et sans participation de la société civile. Ce comité n’offre aucune garantie quant à la prise en compte des droits des victimes, la mise en œuvre des responsabilités en matière de violation des droits de l’Homme et aux éclaircissements sur le sort d’Ibni Mahamat Saleh.
L’attitude des autorités tchadiennes explique en grande partie le blocage des pourparlers politiques entre les différents acteurs politiques et politco-militaires et favorise les risques de nouvelles attaques contre le régime d’Idriss Deby Itno avec leur lot de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.
Nos organisations demandent instamment aux autorités tchadiennes de :
– Donner des explications sur le sort et la disparition forcée d’Ibni Mahamat Saleh ;
– Reconnaître publiquement leurs responsabilités dans les violations graves des droits de l’Homme perpétrées en février 2008 ;
– Modifier le mandat et la composition du Comité de suivi afin de veiller à la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission et d’y intégrer des organisations de la société civile nationales et indépendantes, des membres de la Commission d’enquête et des observateurs internationaux ;
– Mettre pleinement en œuvre les recommandations de la Commission, en particulier ;
– Engager des poursuites contre les responsables de ces exactions ;
Mettre en place un mécanisme d’indemnisation et de réparation des dommages subis par les victimes ;
– Ouvrir un réel dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques tchadiens et la société civile ;
Nos organisations appellent la France, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Union européenne (UE) – observateurs auprès de la Commission d’enquête, qui dans une déclaration publique avaient regretté que « la manifestation de la vérité n’a pu être faite sur certaines affaires, en particulier sur le cas emblématique de la disparition de l’opposant politique Ibni Oumar Mahamat Saleh » et réaffirmé « leur attachement profond à ce que toute la lumière soit faite sur ces faits graves », à :
– Recommander aux autorités tchadiennes la modification de la composition et du mandat du Comité de suivi ;
– Soutenir un dialogue politique permettant l’accès à toutes les parties ;
– Soutenir la poursuite des enquêtes et le jugement équitable des responsables de violations des droits de l’Homme.
Paris, Ndjamena, 3 février 2009