Communiqué de la délégation régionale Nord-Pas-de-Calais de la Ligue des droits de l’Homme
Il fallait s’en douter, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale entend bien mettre à profit la trêve estivale pour démanteler les jungles, ainsi qu’il l’avait annoncé. Déjà, Monsieur Besson avait nié la réalité du « délit de solidarité ». Or, la publication, en juin 2009, du rapport de l’« Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme » lui avait apporté un cinglant démenti en citant des témoignages précis de défenseurs des droits des migrants, victimes d’intimidation et de répression.
Après avoir vainement tenté de donner le change en faisant croire que la répression s’exerçait uniquement à l’encontre des passeurs, Monsieur Besson jette le masque : ce sont bien les migrants eux-mêmes qui sont l’objet de persécutions délibérées, l’objectif avoué étant d’exercer une pression dissuasive maximale pour endiguer coûte que coûte le flux migratoire, ainsi que le spécifie le texte de l’ « arrangement administratif », passé entre les ministères français et britannique de l’immigration, « visant à sécuriser la frontière commune et lutter contre l’immigration irrégulière », en date du 6 juillet 2009.
Depuis des années, la Ligue des droits de l’Homme se bat pour la reconnaissance des droits des migrants ainsi que pour le respect de leur dignité, conformément aux principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, à commencer par l’article 13 concernant la liberté de circulation. Il est intolérable que marchandises et capitaux circulent librement alors que des moyens toujours plus sophistiqués et coûteux sont mis en place pour renforcer l’étanchéité des frontières et empêcher la libre circulation des Hommes. A cet égard, le dispositif déployé récemment à l’encontre des « No border » à Calais est très révélateur : le déferlement policier poussé jusqu’à la caricature auquel on a assisté (plus de deux policiers pour un manifestant !), des hélicoptères en vol stationnaire, des véhicules anti-émeutes, des gendarmes à cheval, tout cela illustre bien où mènent les dérives d’une politique qui va toujours plus loin dans la démesure et privilégie (à quel prix !) le traitement « sécuritaire » (au fait, où est le respect des droits des citoyens dans une ville en état de siège ?).
Aujourd’hui, d’inquiétantes rumeurs circulent avec insistance concernant le recours à des charters en vue de procéder à des expulsions massives et collectives de migrants dans les jours prochains, à destination de l’Afghanistan, mais aussi peut-être de l’Irak.
Il est inadmissible que les ministres britannique et français de l’immigration soient les premiers à envisager de violer cyniquement les dispositions de la « Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » qui interdisent tout recours à des expulsions collectives d’étrangers (article 4 du protocole additionnel n°4 du 16 septembre 1963). Déjà, à l’automne dernier, la Ligue des droits de l’Homme s’était mobilisée, avec d’autres organisations, contre la tentative de renvoyer chez eux des Afghans dont la vie était pourtant clairement menacée. Le ministère avait alors opéré un recul tactique. Il est évident qu’il entend revenir aujourd’hui à la charge.
La délégation régionale de la LDH dénonce avec la plus grande vigueur ces nouvelles escalades d’intimidation et de répression policière.
Elle rappelle une nouvelle fois l’obligation faite aux Etats de respecter les dispositions énoncées dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Elle lance un appel pressant aux élus et aux citoyens pour qu’ils se mobilisent afin d’empêcher que de mauvais coups ne soient à nouveau portés aux droits de l’Homme, indivisibles et universels. Nous sommes tous concernés.
Nord-Pas-de-Calais, le 16 juillet 2009