Appel cosigné par la LDH.
Les organisations nationales, régionales et internationales des droits de l’homme signataires de cet appel demandent au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui va convoquer une Session spéciale le 23 juillet 2014, de mettre en place une commission d’enquête internationale indépendante chargée d’enquêter sur les violations du droit international (notamment des crimes internationaux, tels des crimes de guerre et crimes contre l’humanité) qui pourraient être perpétrées dans le cadre des hostilités en cours dans la bande de Gaza.
Depuis le lancement de l’ « Opération bordure protectrice » (« Operation Protective Edge ») le 7 juillet 2014, Israël a tué au moins 500 Palestiniens1 dans le territoire occupé de la bande de Gaza auxquels il faut ajouter au moins 2650 blessés. 1,660 maisons ont été détruites ou gravement endommagées dans la bande de Gaza et des dizaines de milliers de Palestiniens de la partie nord de Gaza ont fui leur domicile2. Entre temps, des milliers de roquettes et de missiles ont été tirés sur Israël depuis la bande de Gaza et ont causé la mort de deux civils israéliens depuis le début de l’opération militaire.
L’actuel cycle d’hostilités survient dans le contexte de la fermeture de la bande de Gaza imposée par Israël depuis sept ans. Outre la situation humanitaire désastreuse qu’endure déjà la population palestinienne occupée dans la bande de Gaza, l’Office des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) met à présent en garde contre le risque grandissant de la perte de l’accès à l’approvisionnement en eau pour 900 000 personnes. Quatre hôpitaux et centres de soins de Gaza ont été endommagés par les frappes aériennes israéliennes et un centre de rééducation pour handicapés a été détruit3.
Deux faits ne peuvent être négligés : le déséquilibre des forces en faveur d’Israël d’une part et l’impact sur la population civile palestinienne, d’autre part. Celle-ci souffre le plus de ce conflit qui l’écrase sous le poids des dommages physiques, émotionnels et matériels qu’il entraîne.
Le droit international humanitaire prévoit qu’en cas de conflit armé, seuls les combattants et les objectifs militaires peuvent être directement pris pour cible. Les civils et les biens à caractère civil doivent être protégés des attaques directes : prendre pour cible de façon délibérée des civils ou des biens à caractère civil est un crime de guerre. Israël a lui-même reconnu que des frappes aveugles et excessives pourraient constituer des crimes de guerre. Au regard du droit international, les objectifs militaires sont limités à ces objets qui, par leur nature, leur emplacement, leur objectif ou leur utilisation, contribuent effectivement à une action militaire ou dont la destruction présente un avantage militaire déterminé. Des maisons appartenant à des individus affiliés au Hamas ou au Jihad islamique n’en font pas des objectifs militaires du simple fait qu’elles sont la propriété d’un combattant. Des enquêtes préliminaires indiquent que dans la majorité des cas ces maisons ne peuvent être considérés comme des objectifs militaires parce qu’elles ne sont pas utilisées pour entreposer des armes ou lancer des attaques.
Cependant, l’armée israélienne a délibérément bombardé des maisons, des biens de caractère civil ostensibles et des lieux publics notamment des hôpitaux, écoles, mosquées, clubs de sport et cafés.
Dans la soirée du 17 juillet, l’armée israélienne a lancé une opération militaire terrestre, comme étape suivante de l’opération « Protective Edge ».
Il semble qu’à présent l’artillerie est utilisée contre des zones résidentielles, et que ces incursions pourraient violer l’interdiction de mener des attaques de manière indiscriminée.
Le 20 juillet, le quartier d’al-Shuja’iya à l’est de la ville de Gaza a été soumis à des bombardements aériens et terrestres intensifs par les forces israéliennes qui ont occasionné la mort d’au moins 59 Palestiniens, 58 d’entre eux étaient des civils dont 13 enfants et 8 femmes. En raison de l’intensité de ce pilonnage indiscriminé qui s’est poursuivi les jours suivant faisant de nouvelles victimes, les équipes médicales et le CICR n’ont pas été en mesure d’accéder à la zone avant la déclaration d’un court « cessez-le-feu humanitaire ».
Au vu de ce qui précède et dans l’intérêt des populations civiles, afin de les protéger contre tout préjudice additionnel, nous appelons le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à l’occasion de sa Session spéciale à :
- condamner immédiatement et sans équivoque le ciblage délibéré des biens à caractère civil et les attaques sans discrimination des civils par toutes les parties ;
- appeler à ce que toutes les parties respectent leurs obligations au regard du droit international humanitaire et mettent fin aux attaques sans discrimination et disproportionnées contre les civils et les biens à caractère civils ;
- condamner fermement le non-respect du droit international humanitaire par Israël, nontamment les principes sous-jacents de nécessité militaire, de proportionnalité et de distinction,
- exprimer sa très grande préoccupation quant à l’incursion des forces terrestres israéliennes dans la bande de Gaza et la détérioration croissante de la situation humanitaire dans cette même bande, due à l’agression militaire d’Israël et au maintien de sa fermeture ;
- établir une commission d’enquête internationale indépendante ayant pour mandat d’identifier et d’enquêter sur les violations du droit international commises par toutes les parties dans le contexte l’opération, ou ayant mené à l’opération « bordure protectrice » ; ayant notamment pour mandat de formuler des recommandations concrètes à l’attention de toutes les parties engagées dans le conflit, de la communauté internationale, ou d’Etats tiers, afin qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires de manière à ce que les auteurs de ces violations aient à rendre des comptes sur leurs crimes et que les victimes aient un accès à des recours efficaces ;
- mettre immédiatement en œuvre les recommandations de la mission d’enquête de l’ONU sur le conflit à Gaza de 2008-09 ;
- appeler Israël et la Palestine à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) afin d’aider à garantir que tous les crimes internationaux qui pourraient être perpétrés dans ces territoires ne soient pas impunis.
Genève-Paris, 22 juillet 2014.
Signataires :
- Al-Haq
- Al Mezan Center for Human Rights
- Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
- FIDH- International Federation for Human Rights
- Palestinian Center for Human Rights (PCHR)
- Public Committee against Torture in Israel (PCATI)
Avec le soutien de :
Altsean – Burma
Association marocaine des droits humains (AMDH)- Morocco
Bahrain Youth Society for Human Rights (BYSHR)- Bahrain
Center for Constitutional Rights (CCR) – USA
Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD)- Morocco
Colectivo de Abogados (CCAJAR) – Colombia
Comisión Ecuménica de Derechos Humanos, CEDHU – Ecuador
Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) – Egypt
Egyptian Organisation for Humarn Rights (EOHR)- Egypt
El Centro de Capacitación Social- Panama
El Centro Nicaraguense de Derechos Humanos – Nicaragua
Euro-Mediterranean Human Rights Network (EMHRN)
Human Rights Commission of Pakistan
Human Rights Now- Japan
International League for Human Rights – Germany
KontraS – Indonesia
Latvian Human Rights Committee – Latvia
League for the Defence of Human Rights in Iran (LDDHI)- Iran
Lebanese Center for Human Rights- Lebanon
Liga Argentina por los Derechos del Hombre – Argentina
Ligue des droits de l’Homme- France
Ligue guinéenne des droits de l’Homme – Guinea Bissau
Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH)- Senegal
Lualua Center for Human Rights -Bahrain/ Lebanon
Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen- OGDH- Guinea Conakry
OMDH- Organisation marocaine des droits de l’homme -Morocco
Palestinian Human Rights Organization-PHRO- Lebanon
Philippine Alliance of Human rights Advocates (PAHRA)- Philippine
———————- 1. 492 cas ont été documentés par PCHR jusqu’au 20 juillet 2014. http://www.pchrgaza.org/portal/en/index.php?option=com_content&view=article&id=10518:worst-and-bloodiest-day-since-the-beginning-of-the-offensive&catid=145:in-focus ; En date du 21 juillet, Mezan a documenté 505 cas. http://www.mezan.org/en/details.php?id=19254&ddname=IOF&id2=9&id_dept=9&p=center 2. Données collectées par PCHR pour la période allant jusqu’au 19 juillet 2014 http://www.pchrgaza.org/portal/en/index.php?option=com_content&view=article&id=10491:statistics-victims-of-the-israeli-offensive-on-gaza-since-08-july-2014&catid=145:in-focus ; Le 20 juillet, OCHA rapportait que plus de 100,000 Palestiniens sont actuellement déplacés et que 84 000 d’entre eux ont cherché refuge dans les écoles de l’UNRWA 3. http://www.mezan.org/en/details.php?id=19254&ddname=IOF&id2=9&id_dept=9&p=center