Communiqué de l’AEDH
Cette semaine encore les informations glacent d’effroi. Il y a un an, l’AEDH interpellait l’Union européenne et ses Etats membres, leur demandant de reconnaître leur responsabilité dans les drames successifs et quotidiens qui engloutissent des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. En l’espace de quelques jours en cette fin d’été, 500 personnes ont disparu au large de Malte et de l’Italie, 200 autres au large de la Libye; depuis le mois de juin, ce sinistre dénombrement s’élèverait à 2 200, selon le HCR. Jusqu’à quand continuera-t-on à fermer les yeux, à détourner la tête ?
L’AEDH considère que les passeurs mis en cause dans le récent drame au large de l’Italie sont des criminels qui doivent être poursuivis et condamnés Mais nous savons aussi qu’ils ne sont pas les seuls responsables de ces véritables massacres de masse. Car leurs trafics n’existent qu’en réponse à une politique sécuritaire européenne qui fait le lit des profiteurs de misère. Car s’il est paradoxe révélateur c’est bien celui qui fait dire à ceux qui condamnent ces trafics qu’il faut encore plus de sécurité, encore plus de contrôle des procédures et des visas, alors qu’à chaque nouvel obstacle dressé sur la route de l’exil, les tarifs montent avec l’accroissement des dangers puisque les migrants n’ont pas d’autre solution. Pour nombre d’entre eux, les risques d’une traversée maritime sont la seule alternative à une vie de violences, trop souvent à la mort, dans des pays de conflits
Une fois de plus, quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. A l’abri de leurs frontières étroitement surveillées par Frontex, derrière le mur érigé à la frontière gréco-turque, protégés par les grillages de Ceuta et Melilla, au nord de la « Frontera sur », chacun s’apitoie sur le sort de ces centaines, de ces milliers d’exilés qui ont trouvé la mort au large de Lampedusa, de la Libye ou des côtes marocaines. Comme il y a un an !
Une fois de plus, on appellera les États membres à faire preuve de solidarité avec les pays qui sont sur la route des migrants, l’Espagne, l’Italie, mais aussi Malte ou la Grèce. Comme si ces drames étaient territorialisés. La compassion et la solidarité s’exprimeront, comme toujours, devant les caméras « humanitaires ». Mais plus tard, loin des yeux des émus d’un jour, le rejet des demandeurs d’asile, la répression, la rétention, la négligence dans les secours, les reconduits musclées aux frontières reprendront leurs droits. Les images – non médiatisées celles-là – sont là pour le prouver.
La question centrale n’est donc plus de définir une politique européenne de l’asile et de l’immigration. Officiellement, elle existe. Mais pour les défenseurs des droits que nous sommes, elle est inacceptable car elle abandonne à chaque État des marges d’interprétation et de mise en œuvre législative toujours plus restrictives et punitives. Lors d’une conférence tenue la semaine dernière au Parlement européen sur la recherche d’une solution alternative sur la « Frontera sur », les organisations espagnoles – dont notre association membre, l’APDHA d’Andalousie – ont montré la brutalité de la politique du gouvernement espagnol et des interventions policières. Mais ils ont aussi démontré que c’est la volonté commune de transformation de l’Europe en une forteresse impénétrable qui engendre la mer cruelle, les murs et les morts.
Il est inacceptable que, d’année en année, dans la terreur fantasmée de voir leurs côtes envahies par des « hordes » d’exilés, les dirigeants européens ne savent qu’aller toujours plus en avant pour renforcer les moyens de sécuriser le pourtour géographique de l’eldorado que forment les 28 États membres : patrouilles maritimes ou aériennes, drones pour surveiller les eaux internationales, Frontex,…
Il est inacceptable que, pour éviter de se sentir coupable lorsque des êtres humains viennent s’échouer ou mourir sur nos côtes et nos terres, l’UE n’ait de cesse d’imposer aux pays tiers, notamment ceux du Sud et de l’Est de la Méditerranée, « des partenariats pour la mobilité » et des accords de réadmission. Garde-côtes et garde-frontières de l’Europe : un métier en expansion au Nord comme au Sud ou à l’Est.
Il faut des principes. L’AEDH demande aux États membres de retrouver enfin le sens des mots solidarité et humanité, pour redonner à l’UE un rôle majeur dans la promotion des libertés, pour le respect des droits, pour l’accueil des réfugiés.
Il faut des moyens. L’AEDH demande que l’UE, au lieu de jeter l’argent dans la mer pour se protéger, se lance dans l’assistance des migrants afin que ceux-ci retrouvent leur dignité et leurs droits à nos frontières qu’ils pourront rejoindre en toute sécurité.
Il faut de l’engagement. L’AEDH appelle solennellement les citoyens européens, leurs organisations et leurs élus, en particulier les parlementaires européens, à unir leurs efforts afin d’obliger les Etats de l’Union et les institutions européennes à changer radicalement de politique et à ne pas succomber aux appels à la xénophobie et à l’enfermement sur soi.
Bruxelles, le 19 septembre 2014
AEDH, Association européenne pour la défense des droits de l’Homme
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