Par Philippe Wannesson, membre du groupe de travail « Etrangers & Immigrés »
La fermeture du camp de Sangatte a été le point de départ du processus d’invisibilité des personnes migrantes vers d’autres pays du Nord de l’Europe. Cette décision n’a rien réglé et les associations qui les défendent ne cessent de dénoncer une situation indigne qui n’a que trop duré.
Calais donne une impression de répétition depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002. Les exilés s’abritent où ils peuvent, dans les parcs, sous les ponts, dans des blockhaus, des bâtiments abandonnés, des tentes, des cabanes ou sous de simples bâches de plastique. Ils sont délogés par la police, parfois quotidiennement, parfois après quelques semaines ou quelques mois. A cela s’ajoutent les arrestations lors des tentatives de passage, les contrôles au faciès dans la ville, avec ou sans arrestation. Les expulsions ou tentatives d’expulsions vers d’autres pays européens (réadmissions Dublin pour les demandeurs d’asile, ou réadmissions dans le cadre des accords de Schengen), ou vers le pays d’origine sont particulièrement problématiques quand il s’agit de l’Afghanistan, du Soudan, de l’Erythrée.
Ce système semble pouvoir se reproduire à l’infini, c’est en tout cas l’approche de l’Etat qui semble toutefois pris aujourd’hui dans des contradictions particulièrement fortes.
Plus personne ne croit plus que chasser les exilés de lieu en lieu résolve quoi que soit, et les représentants de l’Etat débitent une langue de bois que plus personne ne fait semblant d’écouter. Il y a une vraie perte de crédibilité.
Calais voit aussi l’effet atténué des arrivées en Italie de personnes traversant la Méditerranée, le plus souvent depuis la Libye. Principalement des Africains de l’Est, et plus particulièrement des Erythréens. Ils remontent très rapidement d’Italie, et ont généralement dépensé pratiquement tout leur argent pour payer la traversée. Sans argent, ils doivent se contenter des possibilités de passage les plus hasardeuses et les plus risquées. D’où des accidents de passage plus fréquents, et des morts.
Les exilés utilisent maintenant leur nombre croissant comme un atout, pour entourer les camions, forcer l’entrée des parkings, escalader les grilles du port, déroutant la police et la sécurité. Cette tactique nouvelle a un impact sur l’activité du port, et des transporteurs ont menacé de ne plus passer par Calais. Les autorités ont réagi en prenant diverses initiatives.
Ainsi, au printemps, elles ont confié la gestion d’un squat accueillant des femmes et des enfants et ouvert par No Border à une association d’insertion, plutôt que d’expulser (une première depuis Sangatte). Elles ont également promis l’ouverture d’un centre de jour et une mission d’étude pour des solutions durables.
Par ailleurs, une rencontre entre ministres de l’Intérieur français et britannique s’est tenue le 30 août 2014 ; à son issue, ils ont tous deux affirmé leur volonté de renforcer le contrôle de la frontière, avec arrestations et expulsions vers le pays d’origine. Une rencontre entre la maire de Calais et le ministre de l’Intérieur s’est conclue par l’annonce de « zéro squats à Calais ».
Les exilés sont de plus en plus acteurs de la situation par leurs nouvelles techniques de passage, mais aussi par des manifestations, des revendications, une coordination entre groupes. Mais l’extrême droite violente s’organise aussi autour du collectif « Sauvons Calais ».
Cette situation toute en contradictions porte en germe toutes les issues possibles, y compris les plus violentes. Pour sa part, la LDH a porté plainte contre ce collectif, suite à la manifestation qu’il a organisé le 7 septembre 2014 et au cours de laquelle de nombreux propos racistes et haineux ont été entendus.