Par Jean Frouin, coresponsable du groupe de travail « Logement »
La Loi Alur instaurait d’importants changements pour les locataires et les propriétaires. En cédant aux lobbies de l’immobilier, le gouvernement a fait à la fois une contre-démonstration démocratique et a délégué au marché le soin de gérer les mécanismes de la crise.
Au cours des dernières années, de multiples dispositions législatives ont tenté de mettre en œuvre le droit au logement, mais la crise du logement perdure. Elle traduit l’échec des politiques mises en œuvre par l’Etat.
La loi Alur, qui comprend cent soixante-quinze articles, a été votée en mars 2014. Cette loi porte des évolutions significatives sur différents domaines du logement et concerne à la fois les locataires, les propriétaires, les copropriétaires, les collectivités locales, les professionnels de l’immobilier, les bailleurs sociaux, Action Logement, les acteurs du champ de l’hébergement et du logement d’insertion. Les mesures les plus commentées sont celles visant à mieux défendre les intérêts des locataires dans leurs rapports avec les propriétaires : loyers encadrés (en attente du décret), possibilités de donner congé plus difficiles, plafonnement des honoraires des agences immobilières (décret en vigueur), ou encore la garantie « universelle » des loyers.
Le gouvernement a raison, il faut relancer la construction, mais fallait-il pour cela affadir certaines dispositions de la loi Alur, et donner ainsi le sentiment de céder aux desideratas des professionnels du marché immobilier ? Car on reconduit une politique qui, depuis les années 2000, a mené à la crise : priorité à l’accès à la propriété, au locatif privé par la carotte de la défiscalisation (au prix d’une forte injustice sociale associée à un coût élevé pour les contribuables sans aucune contrepartie sociale), et en même temps désengagement progressif de l’Etat dans la construction du logement social.
N’aurait-il pas été plus juste de relancer la construction du logement social, et très social ? Il faudrait en construire 200 000 par an, en priorité dans les 28 zones tendues de plus de 50 000 habitants, dont au moins 40 % pour les gens modestes (aujourd’hui, 14 % de la population vit avec moins de 1 000 euros par mois), le reste pour cette partie de la classe moyenne qui n’a le choix que de louer dans le parc privé aux loyers très élevés (14,7 euros au m² en moyenne en France, 25 euros en moyenne à Paris) ou de s’endetter sur 30 ans pour accéder au nirvana de la propriété dans le périurbain lointain, alors que les uns et les autres pourraient prétendre au logement HLM, dont les loyers s’échelonnent de 4 euros à 12 euros du m², et dont les plafonds de ressources les rendent éligibles à 65 % de la population ?
Mais n’oublions pas que plus de 80 % des propriétaires sont des particuliers attachés au maintien de la valeur de leur patrimoine. Ils sont donc vent debout contre toute relance massive du logement social qui viendrait à bout de la pénurie de logements, car cela ferait s’effondrer le marché immobilier… Les maires, qui détiennent la compétence de l’urbanisme, ne se risquent pas à contrarier un tel électorat… Oui, Le droit au logement pour tous est dans la loi, mais la politique menée n’y conduit pas.