Par Françoise Dumont, membre du Comité central de la LDH
Quelles armes peuvent utiliser les démocraties pour se défendre contre le terrorisme ? La question n’est ni simple ni nouvelle et le terrorisme a toujours tendu une sorte de piège aux démocraties en les incitant à renoncer à leur valeurs.
Dans un dossier d’Hommes et Libertés, paru en mars 2002, Madeleine Rébérioux écrivait : » Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau. Il a connu dans les années 1880 à 1900 de multiples manifestations à travers toute l’Europe. Le culte des martyrs n’est pas lié à l’islam, comme on essaie de nous le faire croire aujourd’hui. Et cette violence a été partout l’occasion pour les pouvoirs réactionnaires de prendre des mesures répressives que la tradition démocratique a qualifiée de « scélérates » ».
S’il n’est pas question de reprendre aujourd’hui ces mêmes termes pour qualifier ce projet de loi antiterrorisme, il n’en reste pas moins que le texte, voté à l’unanimité de l’Assemblée nationale, le 17 septembre (seuls les Verts se sont abstenus et le Front de gauche a, semble-t-il, voté Pour par erreur) est marqué du sceau de l’arbitraire, de la suspicion et de la précipitation. En ayant eu recours à la procédure d’urgence, avec un seul passage à l’Assemblée nationale et au Sénat, et sans aucun débat démocratique, les pouvoirs publics ont voulu faire savoir qu’ils étaient actifs pour assurer la sécurité des Français. Mais « vite fait » n’a jamais été synonyme de « bien fait » et si ce projet a le mérite de prendre en compte des évolutions sociétales importantes (le rôle d’Internet notamment), il est clair que dans la balance entre sécurité et libertés, le fléau va une fois de plus dans le même sens, vers toujours plus de diminution des droits.
Il est à craindre que les effets pervers de cette nouvelle loi, dénoncés par de nombreuses voix, soient ceux de toutes les lois sécuritaires. Le poids de la police, les pouvoirs des juges antiterroristes, les prérogatives de l’administration pénitentiaire vont être augmentés, avec en arrière plan l’idée que dès qu’il s’agit de terrorisme, les droits deviennent un luxe, réservé à de doux utopistes. Nous pensons que pour être efficace, la lutte contre le terrorisme n’a besoin ni de coups de menton virils ni de déclarations martiales mais d’un terrain politique éclairé, combattu au plan idéologique, avec la mise en œuvre déterminée d’une politique publique alliant prévention et répression. Nous ne retrouvons pas ces orientations dans ce projet de loi et restons convaincus que la grandeur des démocraties, c’est de ne pas abandonner les valeurs qui les fondent.