Les poursuites judiciaires ouvertes à l’encontre du Prince Nasser Bin Ahmad Al Khalifa, fils du roi du Bahreïn, pour actes de tortures, viennent de connaître une avancée majeure au Royaume Uni à travers l’abandon de l’argument de l’immunité. La FIDH, la LDH et ECCHR saluent cette avancée majeure et dénoncent vigoureusement la fin de non recevoir des autorités françaises réservée à une plainte similaire déposée en France le 22 août dernier.
« Les autorités françaises devraient prendre exemple sur la décision rendue aujourd’hui par la Haute Cour de justice de Londres et lever l’immunité du Prince Nasser », ont déclaré nos organisations. « La France ne doit pas se cacher derrière des échappatoires diplomatiques. Des investigations minutieuses et détaillées sont indispensables, en Grande Bretagne comme dans n’importe quel pays où le Prince se rendrait à l’avenir. »
Le 22 août dernier, alertées d’un séjour en France de Monsieur Al Khalifa, venant participer en tant que membre de l’équipe du Bahreïn aux Jeux équestres mondiaux en Normandie, la FIDH et la LDH avaient déposé une plainte pour crime de torture auprès du Procureur du Pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du TGI de Paris.
Cette plainte, fondée sur des informations circonstanciées provenant de sources fiables, mettait en cause le Prince Nasser Ahmad Al Khalifa pour avoir personnellement perpétré des actes de torture à l’encontre d’opposants bahreïnis en 2011, dans le cadre de la répression du mouvement de contestation populaire baptisé Printemps de la Perle au Bahreïn.
L’enquête préliminaire diligentée par le Parquet de Paris avait permis de confirmer la présence sur le sol français du Prince Nasser Bin Ahmad Al Khalifa, fondant ainsi la compétence de la justice française pour instruire cette affaire. Mais le 29 août, l’enquête préliminaire était brusquement classée sans suite, à la suite d’un avis émis par le Service du Protocole du ministère des Affaires étrangères français octroyant l’immunité au Prince Nasser.
Or, d’une part cet avis se fondait sur une convention internationale non ratifiée par la France, mais présentée de façon inédite et surprenante comme faisant partie d’un droit international coutumier. D’autre part, il contredisait un courrier adressé par le même ministère au même moment à la FIDH attestant que le Prince se trouvait en visite privée ne bénéficiait donc d’aucune immunité.
« Cette décision est purement politique et n’honore pas la France, qui ne peut continuer à s’abriter derrière de prétendues règles d’immunités pour se dispenser d’assumer ses obligations en vertu du droit international, qui sont de poursuivre et juger, et à défaut d’extrader, les suspects de torture présents sur le territoire français » ont déclaré nos organisations.
La FIDH et la LDH ont d’ailleurs saisi le Procureur général d’un recours auprès du Parquet général de la Cour d’appel de Paris.
Dans le même temps, au Royaume Uni, la Haute Cour de Londres saisie en vertu de la procédure d’appel dite de « judicial review » par une victime de torture Bahreïnie et par ECCHR, vient de décider que le Prince Nasser Bin Ahmad Al Khalifa ne pouvait bénéficier de l’immunité. Cette décision intervient suite à une plainte déposée en juillet 2012, auprès du Service du Parquet de la Couronne, qui avait à l’époque considéré que le Prince bénéficiait de l’immunité. ECCHR prend part aux actions judiciaires en Grande Bretagne comme « interested party ». Cette décision ouvre la voie à des poursuites judiciaires au Royaume-Uni.
Paris, Berlin, le 7 octobre 2014.