Une commission d’enquête ambitieuse
Par Pierre Tartakowsky, président de la LDH
La décision de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) d’être à l’initiative d’une commission d’enquête sur les conditions de la mort de Rémi Fraisse vise à répondre à des préoccupations multiples, toutes importantes. La première consiste évidemment à contribuer à faire la lumière sur les événements proprement dits ; à remonter la chaine de commandement, à tenter de déterminer qui a fait quoi, qui a tenté de trainer dans la boue la personnalité Rémi Fraisse et sur ordre de qui ? Bref, à éclairer les conditions d’avènement d’un drame humain qui est aussi un grave trouble apporté à l’ordre public dans toutes ses dimensions. De ce point de vue, le travail ne manque pas, tant les déclarations officielles ont varié, tant l’écart est grand entre les consignes que le ministre de l’Intérieur dit avoir donné et les termes concrets de l’affrontement. En effet, dès début septembre, la LDH est saisie d’un comportement délibérément provocateur et violent de la part des forces de l’ordre. De quelles instructions, de quel niveau de commandement procède ce comportement ? Les responsabilités s’arrêtent-elles à la porte du Premier ministre ou non ? Toutes ces questions doivent trouver leurs réponses. Car il dépend d’elles de garantir le droit de chacun à manifester en sécurité et à faire en sorte que le drame ne se reproduise pas.
Il convient également d’éclairer les conditions de l’amont. Entendons par là ces procédures vidées de sens qui ont fait surgir un barrage là où il n’en était pas besoin ; ces montages institutionnels acoquinés qui ont superbement ignoré les conflits d’intérêts et cultivé les ententes un peu trop cordiales. Ces procédés affinitaires, qui sont à la démocratie ce que le hamburger est à la gastronomie, ont largement contribué à vider de leurs sens le dialogue civil et le recours à la justice. Car lorsque le dialogue se mène avec des sourds et que le droit place la justice devant le fait accompli, il ne reste guère que le bras de fer… On sait que, dans ce domaine, l’Etat joue gagnant. Sauf évidemment à ce que l’opinion publique s’en mêle. On peut supposer que c’est pour éviter d’en arriver là que des consignes d’extrême fermeté ont été données.
La commission nationale d’enquête aura, enfin, à indiquer les conditions souhaitables à mettre en œuvre pour que de tels drames ne se reproduisent pas. Il ne s’agit pas là d’un vœu pieux. On considère qu’il existe actuellement plus d’une centaine de projets du type de celui qui a suscité la colère à Sivens. Veut-on réellement voir se multiplier les affrontements de ce type ? Ou travailler à redéfinir les règles du jeu, en fonction de nouveaux critères ? La LDH, et singulièrement sa section de Toulouse, l’avocat de la famille Fraisse, France Nature Environnement (FNE), le Syndicat des avocats de France (Saf), l’Unef, le Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’Homme (RaidH) entendent travailler ensemble à faire en sorte que la vérité, toute la vérité sur la mort de Rémi Fraisse, puisse devenir le bien commun du débat public.
Il s’agit d’un travail citoyen de collecte de témoignages, de croisements de dépositions, d’un travail complémentaire à celui de la justice et qui procède d’une autre logique, puisque participant d’un scope plus large que les seuls événements directs ayant provoqués le drame. Il s’agit, somme toute, de prêter une grande attention à nos libertés.
Elles ne méritent pas moins.