Par Daniel Boitier, groupe de travail « Laïcité »
Deux remarques préliminaires à propos d’un livre paradoxal :
– ce livre s’adresse à la gauche et cherche à penser politiquement les faits religieux, et cela en mobilisant les outils fournis principalement par un marxisme revisité. Par exemple, Gramsci relu par Michael Löwy, qui envisageait le catholicisme non « comme un bloc monolithique, mais comme un champ politiquement hétérogène, traversé par les conflits sociaux » ;
– ce livre interroge socialement le christianisme et en cela il se refuse de confondre la question religieuse d’aujourd’hui avec la question de l’islam. Selon Stéphane Lavignotte, nous n’avons pas un problème avec l’islam, c’est « la société française qui a un problème avec lui ». Il sera pourtant souvent question de l’islam pour déconstruire la lecture essentialiste qui le vise le plus souvent.
La méthode
Un pasteur nous parle des religions en laïque : « il n’y a pas d’essence de la religion, [elles sont] construites socialement ». Il prolonge : si le croyant « est un « être social », la foi est un construit social. » Il faut, peut-être, être protestant pour décrire aussi bien comment « bien que la France se dise laïque, l’acceptable de la place du religieux dans la société [reste] l’acceptable catholique, correspondant à sa théologie, y compris dans ses évolutions [être moins visible].».
Plus subtilement encore cette détermination de la catho-laïcité à la française : « une laïcité qui s’accorde avec une forte prégnance des habitudes catholiques dans la société qui regarde tous les phénomènes religieux avec cette grille et qui pousse les autres religions à rentrer dans le moule catho-laïque ou à rester invisibles ».
C’est à un voyage dans les « religions de contrebande » (Henri Desroches) et les courants minoritaires d’hier et d’aujourd’hui, que nous sommes conviés à la recherche de dimensions libératrices du religieux. Pour cela, il aura fallu réduire les lectures littéralistes des textes, « la croyance dans un ordre naturel du monde, la charité qui laisse entière les causes structurelles des injustices, la bureaucratie des religions » (blog de Mediapart, le 26 septembre 2014).
Beaucoup d’entre nous seront délogés de quelques certitudes lorsque soutenant le Mariage pour tous et l’égalité hommes/femmes, Stéphane Lavignotte nous présente ces théologiennes féministes, ou encore les théologies gays et lesbiennes. Ainsi pourrons-nous, peut-être, accepter l’idée qu’il y a des « féministes musulmanes » et là où nous ne voulions voir que des oxymores peut-être lirons-nous des dialectiques d’émancipation.
Si étrange nous paraîtra le chemin, nous retrouverons dans cette pensée (religieuse) notre volonté laïque de construire une société inclusive respectueuse du « pluralisme culturel ». Nous retrouverons d’abord notre refus d’une laïcité d’exclusion.
Les religions sont-elles réactionnaires ?
Stéphane Lavignotte
Ed. Textuel, coll. Petite Encyclopédie critique
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