Communiqué LDH
Depuis 2002, nous savions que les Etats-Unis détenaient illégalement des centaines de suspects à Guantanamo, qui vivaient des conditions abjectes et étaient mal traités. Mais le rapport du Sénat américain révèle l’innommable. La permanence et l’importance de la torture, pratiquée sur les prisonniers pour en obtenir des renseignements, sont décrites et analysées, montrant au passage l’absurdité de ceux qui prétendent qu’elle pourrait être justifiée quand il s’agit de sauver des vies.
La torture est avant tout un acte de barbarie qui porte atteinte à la dignité humaine ; elle est appliquée à des suspects dont on suppose qu’ils seraient susceptibles de détenir des informations. Son interdiction, comme celle de l’esclavage, est proclamée par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, et toutes les conventions internationales protégeant les droits de l’Homme. Elle est intangible et indélogeable, quelles que soient les circonstances et la qualité des personnes qui la pratiqueraient, ou de celles qui la subiraient.
C’est un message effrayant qui est ainsi envoyé au monde par la plus ancienne et la plus puissante des démocraties, et particulièrement aux tyrans, aux assassins et aux barbares qui ricanent quand on leur parle « droits de l’Homme ». Quand nous proclamons notre indignation, d’autres ricanent à leur tour. « Il ne faut pas faire d’angélisme sur ce sujet »,dit Marine Le Pen,interrogée précisément sur la possibilité d’utiliser la torture pour « faire parler la personne ». Elle répond explicitement que ce peut être « par tous moyens ».Aucune équivoque n’est possible, ce qui n’empêche pas la présidente du Front national d’assumer un mensonge éclatant, osant prétendre que ses propos auraient été interprétés « de façon malveillante ». En fait sa réponse spontanée fait apparaître, de façon claire, que ses convictions sont restées celles de son père, et la « dédiabolisation » n’est qu’une attitude de surface, une hypocrisie, un « hommage que le vice rend à la vertu ».
Voilà qui démontre à nouveau l’évidente et urgente nécessité d’une mobilisation des forces démocratiques, rassemblées pour combattre les dangers de la montée de l’extrême droite. Il faut aussi exiger que la France fasse la clarté sur son passé. Il ne s’agit pas de repentance, mais d’Histoire et de mémoire. Les propos de François Hollande le 20 décembre 2012, à Alger, restent bien faibles face à ce que fut la torture pendant la guerre d’Algérie. Le Sénat américain a conduit une enquête approfondie, Barak Obama et le chef de la CIA ont reconnu et déploré l’existence de cette pratique abominable. Nous ne demandons pas une « repentance », mais une enquête parlementaire et la reconnaissance solennelle par le président de la République, chef des armées, de ce qui s’est passé en Algérie pendant huit ans.
Paris, le 12 décembre 2014