Les premiers ministres se trouvent parfois dans des situations gênantes. Quand le 29 janvier, Manuel Valls arrive en Chine entouré d’hommes d’affaires soucieux de redresser une balance commerciale déficitaire, il profite toujours dans l’opinion de la fermeté du gouvernement dans la défense de la liberté de la presse. Mais ce jour même à Beijing, les autorités chinoises franchissent un nouveau pas dans le rejet de ces mêmes valeurs que la France vient de réaffirmer : les universités ne doivent pas colporter les valeurs universelles ; elles ne doivent pas fonder les cours sur des livres pernicieux importés d’Occident. Certes, l’ambassadeur de Chine a bien participé le 11 janvier à la courte marche des personnalités conviées à marquer leur attachement à la liberté d’expression. Mais il était en fait venu pour autre chose, à savoir manifester le rejet chinois du terrorisme séparatiste. Lequel ? Celui des Ouighours du Xinjiang. Car « le terrorisme est le commun ennemi de toute l’humanité et constitue une menace pour toute la communauté internationale« . Quant à la liberté de la presse pour laquelle s’étaient rassemblés des millions de manifestants, le Global Times – qui est lié au Quotidien du peuple – avait vu plutôt dans le drame de Charlie Hebdo une raison de la restreindre. Le langage libre, expliquait-il, suscite des tensions ou des conflits de civilisation. La presse de l’Ouest aiguise les antagonismes et offense les religions ; bref, le massacre des caricaturistes montre que la liberté de la presse est « un piège » dans lequel il ne faut pas tomber. […]
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