Sortie le 17 juin 2015
« Pourtant, on a les mêmes mots, le même ciel, les mêmes oiseaux… je connais la catégorie « d’origine immigrée ». Pourtant on se sent d’ici, on est d’ici, intimement », dit Malika, l’un des portraits de ce films racontant ce qu’est, pour elle, la discrimination ; elle ajoute : « Moi, j’ai toujours dit non à ce statut de victime. »
« Est-ce que je serai toute ma vie un étranger ? », s’interroge Rui, jeune Français d’origine chinoise, qui se demande s’il ne va pas immigrer en Angleterre ou aux Etats-Unis pour assumer d’être étranger, lui que son entreprise envoie travailler… en Chine.
Umi, elle, récite Racine qu’elle adore, mais comme elle est née de parents japonais qui l’ont élevée en France, le pays, son pays, qu’elle n’a pas voulu quitter, elle s’entend dire un jour « que voulez-vous qu’on fasse d’une comédienne japonaise ? ». Elle s’est spécialisée dans le doublage de films étrangers… mais là encore, on lui fait principalement doubler des personnages d’origine asiatique.
Ou c’est aussi Yaya, qui anime des émissions sur le Mouv’ et écrit ; quand il a cherché un emploi alimentaire après avoir arrêté ses études avec l’obtention d’un DEA, il ne se voit proposer que des postes de vigiles et souligne que la France est le pays où les vigiles sont les plus diplômés du monde. Lui, choisit d’adresser sa lettre au président de la République et dit : « J’ai raboté mon accent de banlieue, j’ai changé de code vestimentaire. Peut-être faudrait-il aussi que je change de couleur de peau ? »
Ces hommes et ces femmes, citoyens français de culture française, perçus comme étant arabes, noirs ou asiatiques, s’adressent dans une « lettre filmée » à une personne de leur choix, pour parler de cette expérience intime et sociale : vivre dans la France d’aujourd’hui avec cette différence qui les distingue, et croiser régulièrement des regards qui les réduisent à leur « couleur ».
Onze personnes s’aventurent dans un récit personnel et singulier pour raconter cette complexité de l’intérieur. Elles ne sont pas victimes, pas accusatrices, ni revendicatives, elles prennent juste le risque pour elles-mêmes d’abord, de libérer cette parole que l’on n’entend jamais, jamais comme cela.
Ce film fait de portraits tout en douceur vous atteint fortement. Il a été réalisé par Laurence Petit-Jouvet qui a ici repris la méthode utilisée quelques années plus tôt avec le film Correspondances qui montraient ce qu’était la vie de femmes maliennes vivant et travaillant en région parisienne.
« Madame, c’est aux Français qu’il faut montrer ce film, pas à nous », disait un jeune lycéen dyonisien, pourtant lui aussi Français comme ces onze personnages magnifiques.
La Ligne de couleur
Documentaire, France, 2014
Durée : 79 mn
Réalisation : Laurence Petit-Jouvet
Production : Avril, Arcadi Île-de-France
Distribution : Avril
Programmation : Grégory Tilhac, tilhac.gregory@wanadoo.fr