Communiqué commun à propos du « projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge ».
Notre prise de position se situe à l’envers du projet gouvernemental ici dénoncé. Nous pensons qu’il faut un processus d’évolution de la psychiatrie quand elle s’emploie à défendre et accroître la justice sociale dans le soin, quand elle cherche à augmenter les possibilités de liberté dans chaque situation de soin, quand elle considère toujours tout être humain en souffrance psychique en qualité de sujet, de personne et de citoyen, pris dans un environnement social et existentiel, quand elle garantit un accompagnement des professionnels garants de ce qui précède. Quels que soient les atours dont la ministre de la Santé veut l’habiller, le projet actuel est à l’opposé d’une telle orientation. Il ne fait qu’appliquer les discours sécuritaires du président de la République dans ce domaine.
Nous sommes plus que jamais dans l’ordre gestionnaire et administratif, où le préventif n’est que prédictif, où le soin n’est que contrainte, où la « personne présentant des troubles mentaux » n’est que dangerosité à neutraliser. Toutes les mesures prises depuis décembre 2008 le confirment. Dans ce contexte, comment comprendre autrement la rétention de 72 heures que comme une « garde à vue « psychiatrique, et les développements des « soins sans consentement » comme participant de la société de surveillance et du nouveau management scientiste promouvant l’homme économique.
Cela ne peut avoir échappé aux organisations professionnelles et aux associations d’usagers et des familles, dont la ministre de la Santé affiche à longueur d’interviews avoir leur accord. Or, au climat d’insécurité nourri par toute occurrence tant auprès de la population que des professionnels, s’adjoint un évident risque d’effet opposé, soit une plus forte soustraction, voire une violente opposition, au soin psychiatrique.
Nous ne pouvons donc cautionner de telles « innovations » en trompe-l’œil ! A la place d’une attribution de dangerosité, à la place de la violence du soin intrusif et contraint, c’est bien d’une disponibilité et d’une obligation à soigner dont il doit être question dans les attributions effectives de la psychiatrie, ainsi que d’un engagement de l’État. A l’extensivité du soin sans consentement (qui pourrait s’étendre jusqu’à la collocation à domicile et l’emploi de la géolocalisation), il est possible d’opposer une psychiatrie de proximité, d’accueil, d’écoute, respectueuse de la personne, de sa parole, de sa dignité, de sa vie privée comme publique, capable de prendre en compte pleinement besoins et état de nécessité, la personne et son environnement.
Les organisations signataires déclarent qu’elles appellent les parlementaires à rejeter le « projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge », et qu’elles organiseront un débat public citoyen pour s’y opposer. Elles se déclarent prêtes à œuvrer pour le développement d’une politique du soin psychique respectueuse de la personne et de ses droits fondamentaux, mais aussi attentive aux demandes de son environnement. A ce titre, elles affirment qu’il s’agit de supprimer mesure de sûreté et loi de police actuelles (sous l’autorité du préfet), pour une loi basée sur la protection de la personne. C’est dire que toute mesure de contrainte, tout soin sans consentement relève de l’autorisation préalable d’un juge judiciaire et de son contrôle ensuite. Les organisations signataires en feront un thème démocratique fort.
Paris, le 16 juin 2010
Premiers signataires :
Advocacy France, CAUPsy, collectif Non à la politique de la peur, Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), Groupe information asiles (GIA), Ligue des droits de l’Homme, Parti communiste français, Parti de gauche, Solidaires, Sud santé sociaux, Union syndicale de la psychiatrie, les Verts…