Le Sénat doit voter, ce mardi 5 avril, le projet de loi dit de « lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ».
Ce texte a été contesté par différentes institutions indépendantes et qualifiées de notre pays. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, la Conférence des premiers présidents de cours d’appel et même le Conseil d’Etat ont pu dire que plusieurs propositions du projet sont de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle. Sourd à ces interpellations, le gouvernement a choisi la procédure accélérée pour l’examen du texte.
Cette loi donnerait au ministère de l’Intérieur et à la police des pouvoirs directement inspirés de l’état d’urgence : retenue administrative de quatre heures avec possibilité de consulter l’ordinateur de la personne, d’accéder à ses communications, de capter et d’enregistrer toutes ses données informatiques… Le projet introduit également une forme d’irresponsabilité pénale des forces de l’ordre, fondée non plus sur une stricte légitime défense mais sur la notion plus floue d’état de nécessité. Enfin, il développerait encore les moyens d’une surveillance massive des citoyennes et des citoyens.
Plus largement, le texte s’inscrit dans la continuité d’un ensemble de textes législatifs qui ont renforcé les pouvoirs de police administrative ainsi que les règles de répression. Dans ce cadre, il poursuit une logique de transfert des compétences et pouvoirs du juge judiciaire vers le parquet et l’autorité administrative qui dépendent plus directement du pouvoir exécutif.
La Ligue des droits de l’Homme constate que les lois comportant des dérives sécuritaires qui s’empilent depuis trente ans n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, et refuse une société du contrôle généralisé glissant du principe de la présomption d’innocence à celui de la culpabilité potentielle. Ces dérives renforcent les discours populistes remettant en cause les principes guidant l’exercice des droits, et mettent en place des outils de contrôle de masse et de limitation des libertés particulièrement dangereux.
La LDH réaffirme la nécessité de maintenir le principe de la séparation des pouvoirs – exécutif, législatif, judiciaire –, fondement de la démocratie. Elle affirme qu’il est possible et nécessaire d’agir face au terrorisme et à la criminalité en respectant les libertés et en redonnant toute sa place à la justice.
La LDH demande donc aux parlementaires de rejeter ce projet de loi.
Paris, le 5 avril 2016