Communiqué commun LDH et ERRC
Durant le premier trimestre 2016, 3 683 personnes ont été expulsées de force par les autorités de 25 lieux de vie. 100 personnes ont dû quitter un lieu de vie faisant suite à un incendie. Ces chiffres qui restent élevés indiquent que les conditions hivernales ne sont pas prises en compte lors des évacuations de ces bidonvilles ou squats.
Nous observons aussi une montée significative des expulsions fondées sur un arrêté de péril ou d’insalubrité de l’autorité communale. En effet, il y eut 11 évacuations forcées faisant suite à une assignation devant les tribunaux par les propriétaires des terrains ou des squats contre 14 faisant suite à un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet. Sur les 25 évacuations effectuées par les autorités, des solutions d’hébergement temporaires n’ont été proposées que 13 fois. À la suite des 12 autres évacuations, les familles ont été tout simplement mises à la rue par les forces de l’ordre. Durant l’évacuation faisant suite à un incendie, il y n’y a pas eu de solution d’hébergement d’urgence mise en place, la majorité des habitants ayant déjà quitté les lieux avant le sinistre.
Depuis le début de l’année, la région Ile-de-France concentre 74 % des personnes expulsées, suivie par la région Auvergne-Rhône-Alpes avec 16 % et les Pays-de-la-Loire avec 8 %.
L’analyse des terrains selon le type de propriétaire montre que 17 terrains évacués de force sont publics, et deux de ces terrains publics font l’objet d’un projet justifiant cette évacuation. Ces évacuations forcées restent donc bien l’expression d’une volonté politique de rejet émise par un ensemble d’autorités étatiques. Ceci démontre aussi que cette politique d’évacuation forcée systématique n’est pas mise en place pour défendre la propriété privée (prétexte souvent employé), puisque les propriétaires sont publics dans la très grande majorité des cas.
Nous considérons que la circulaire du 26 août 2012 n’est pas appliquée.
Ces expulsions sont à nouveau condamnées par le Commissaire aux droits de l’Homme ou la Commission antiracisme (Ecri) du Conseil de l’Europe. Dans la lettre que le Commissaire aux droits de l’Homme a envoyée le 26 janvier 2016 à M. B. Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, M. Nils Muižnieks spécifiait en effet : « En outre, comme je l’ai rappelé dans mon rapport de 2015, le Comité européen des droits sociaux a rendu une série de décisions concernant la France, constatant plusieurs violations de la Charte sociale européenne concernant les droits sociaux des Roms. »[1]
Nous réitérons la même demande, de manière inlassable : la suspension des expulsions systématiques, la sécurisation des bidonvilles et leur assainissement, la mise en place de solutions adaptées pour l’insertion des familles à travers le droit commun et ceci avant toute expulsion, pour toutes les familles et sur tout le territoire. Le suivi de ces politiques devrait être organisé dans le cadre d’un dialogue permanent entre les pouvoirs locaux (communes, collectivités territoriales), les autorités régionales et nationales et les acteurs publics et associatifs actifs dans les bidonvilles.
Paris, le 8 avril 2016.
[1] CommHR/MB/sf 005-2016, Commissaire aux droits de l’Homme, Strasbourg, le 26 janvier 2016.