50 organisations françaises et européennes adressent ce jour une lettre ouverte aux chefs d’Etats et de gouvernement européens leur demandant de ne de ne pas valider la directive secret des affaires en l’état. En France, une interpellation est adressée à François Hollande.
Le 14 avril dernier, le parlement européen a voté en faveur du projet de directive sur la protection du secret des affaires. Pour être adoptée, cette directive doit encore être approuvée, le 17 mai prochain par le Conseil de l’Union Européenne, institution représentant les Etats européens.
Cette directive suscite l’inquiétude et l’opposition des ONG, organisations syndicales et citoyens européens. En effet, destinée à protéger les entreprises contre l’espionnage industriel, elle a un champ d’application potentiel beaucoup trop large et risque de permettre l’ouverture de poursuites judiciaires contre des personnes qui ne sont en aucun cas des criminels : journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alertes obtenant ou publiant des informations internes d’une entreprise, ou salariés utilisant chez un nouvel employeur des informations acquises sur leur lieu de travail précédent.
Le procès d’Antoine Deltour, Raphaël Halet (les lanceurs d’alerte) et d’Edouard Perrin (le journaliste) dans l’affaire LuxLeaks est la parfaite illustration des dangers de cette directive. Le procureur a requis des amendes pour les trois prévenus et 18 mois de prison ferme en sus pour les deux lanceurs d’alerte en se référant entre autres à « la directive européenne sur le secret des affaires largement votée il y a deux semaines au Parlement Européen ». Contrairement aux dénégations des partisans du texte, voici, déjà, un cas où l’argument de protection des secrets d’affaires est utilisé pour poursuivre des journalistes et des lanceurs d’alerte en justice.
Avec plus de 580.000 citoyens européens[1], les 50 organisations appellent à ne pas valider cette directive en l’état. Elles exigent notamment
– Une définition du secret des affaires plus précise et limitée
– Que l’illégalité de l’obtention, de l’usage ou de la publication d’un secret d’affaires soit limitée aux fins financières, commerciales ou concurrentielles.
– Le renforcement des exceptions et des dispositions protégeant la liberté de la presse et les libertés syndicales, et les lanceurs d’alerte.
– L’adoption d’une directive européenne protégeant les lanceurs d’alerte.
13 mai 2016
[1] https://act.wemove.eu/campaigns/les-lanceurs-d-alerte-en-danger
http://info.pollinis.org/fr/notoxicbizsecrets-consilium/