Communiqué LDH-FIDH
Ce matin, la FIDH et la LDH ont saisi, aux côtés de Monsieur Obeida DABBAGH, le parquet du pôle spécialisé crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du TGI de Paris de la disparition forcée de ses frère et neveu, Patrick et Mazzen DABBAGH, deux ressortissants franco-syriens.
Ils ont été arrêtés en novembre 2013 par les services de renseignement des forces de l’armée de l’air syriens, et sont portés disparus depuis.
Dans le document déposé auprès du Parquet, nos organisations se joignent à Monsieur Obeida DABBAGH pour demander l’ouverture immédiate d’une information judiciaire sur des faits qui constituent, selon elles, des crimes de disparitions forcées et de torture, constitutifs de crimes contre l’humanité.
« Nous espérons que le parquet du pôle ouvrira au plus vite une information judiciaire sur ces faits d’une extrême gravité qui reflètent l’étendue de la répression qui s’est abattue sur le peuple syrien depuis 2011 » ont déclaré nos organisations. « En l’absence de possibilité de saisir la Cour pénale internationale des crimes perpétrés en Syrie, il est temps que les autorités judiciaires de pays tiers ouvrent des enquêtes sur les crimes commis par le régime de Bachar El Assad. »
Nos organisations rappellent que le ministère des Affaires étrangères avait saisi le Parquet qui avait ouvert une enquête préliminaire au sein du pôle spécialisé crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du TGI de Paris en septembre 2015 sur le rapport César. Or le Pôle souffre d’un manque de moyens criant pour avancer sur cette affaire, comme sur les autres dont il est saisi.
« Il est urgent que les autorités françaises, à l’image de certains de leurs homologues européens, donnent enfin au Pôle les moyens de mener efficacement ses enquêtes » ont déclaré nos organisations. « Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons mesurer la réelle volonté des autorités françaises à lutter contre l’impunité des crimes commis en Syrie. »
A ce jour, certains tribunaux et pôles spécialisés dans les crimes internationaux sont saisis des crimes commis en Syrie, notamment en Suède, Allemagne, Royaume-Uni, Autriche. Mais ces enquêtes et poursuites ne portent pas sur les crimes imputables au régime de Bachar El Assad.
« La lutte contre l’impunité et la justice pour tous les crimes subis par les Syriens devront être au cœur de toute résolution du conflit en Syrie » ont déclaré nos organisations.
Les faits :
Patrick Abdelkader DABBAGH, alors âgé de 20 ans et étudiant en deuxième année à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas, a été arrêté le 3 novembre 2013 à minuit à son domicile par 5 personnes (deux officiers, deux soldats et un spécialiste informatique), déclarant appartenir aux services de renseignement de l’armée de l’air syriens. Ils ont annoncé vouloir l’emmener pour l’interroger, sans préciser pour autant le motif, ni le fondement, de l’arrestation.
Le lendemain, le 4 novembre, les mêmes officiers, accompagnés cette fois d’une dizaine de soldats, tous armés, sont revenus à minuit, accusant Mazzen DABBAGH de ne pas avoir correctement élevé son fils. Ils l’ont ensuite arrêté, au motif de vouloir lui apprendre à l’éduquer. Au moment des faits, Mazzen était Conseiller principal d’éducation (CPE) à l’Ecole française de Damas.
Mazzen et Patrick Abdelkader ont tous deux été emmenés à Mezzeh, le centre de détention des services de renseignement de l’armée de l’air. Les deux hommes sont portés disparus depuis. Mazzen DABBAGH et son fils Patrick n’avaient jamais été impliqués dans des mouvements de contestation contre le régime de Bachar El ASSAD, ni avant le soulèvement populaire de mars 2011, ni après.
Le centre de Mezzeh a été unanimement dénoncé comme étant l’un des pires centres de tortures du régime. La Commission internationale indépendante d’enquête sur la République arabe syrienne estime qu’il est l’un des centres ayant l’un des taux de mortalité les plus élevés.
Pour plus d’informations sur les conditions de détention et les actes de torture commis dans les prisons du régime ► Syrie : le calvaire des détenus
Paris, le 24 octobre 2016