Sortie le 4 janvier 2017
Années 1980, à la veille des événements de Sabra et Chatila. La révolte gronde dans une prison israélienne, où sont détenues des prisonnières politiques palestiniennes. Layal, une jeune institutrice de Naplouse, vient d’arriver, condamnée à 8 ans de prison pour un attentat dans lequel elle n’est pas impliquée. Elle partage la cellule d’israéliennes condamnées pour droit commun et s’habitue progressivement à l’univers carcéral. Mais Layal découvre qu’elle est enceinte. Envers et contre tous, elle décide de garder l’enfant.
Ce beau film, âpre, dur et émouvant, dénonce l’emprisonnement de milliers de Palestiniens de tous âges et origines dans les geôles israéliennes (près de 20 % des Palestiniens ont été détenus dans ces prisons à un moment ou à un autre). A travers le cas de l’héroïne inspiré de l’histoire d’une Palestinienne rencontrée par la réalisatrice, le film nous montre comment le recours à l’emprisonnement comme moyen de mettre un peuple à genoux ne fait que fortifier la résistance de ce peuple à l’oppression. En effet, cette jeune femme suspectée puis accusée de terrorisme parce qu’elle a aidé un jeune homme blessé, lui-même suspecté et arrêté, va peu à peu fraterniser avec ses compagnes de cellule dans la résistance menée malgré une répression féroce.
Le film montre également comment l’Etat israélien agit au mépris des droits de l’Homme à l’encontre des prisonniers et prisonnières, lesquel(le)s sont livrés au racisme et au sadisme de prisonnières israéliennes de droit commun et de matons, personnifiés en l’occurrence par une matonne quasi diabolique, assimilant tout(e) Palestinien(ne) au terrorisme.
Il y a un certain manichéisme à montrer d’un côté les prisonnières palestiniennes courageuses, humaines et solidaires et de l’autre les geôliers israéliens dénués de toute humanité, droits dans leurs bottes et franchement racistes. Trois exceptions viennent contredire ce schéma : il s’agit d’une avocate et d’une prisonnière israéliennes d’un côté, d’une jeune femme palestinienne traître à ses « sœurs » de l’autre. Mais on le sait, ces faits sont propres à toute situation de colonisation d’un peuple par un autre.
Ce film pour partie documentaire a été tourné dans une ancienne prison jordanienne. Certaines des comédiennes sont des actrices célèbres en Palestine et Jordanie et beaucoup d’autres sont des non professionnelles qui ont, soit connu elle-même la prison, soit eu un membre de leur famille en prison. La réalisatrice dit s’être appuyée sur leur expérience. Aussi, bien que réalisé avec des moyens réduits, le film, grâce à ces comédiennes ainsi qu’au professionnalisme de l’ensemble de l’équipe (chef-op, preneurs de son, monteuse et la réalisatrice elle-même) montre des qualités certaines mélangeant l’aspect brut du documentaire avec une esthétique poétique tirée de l’expérience carcérale elle-même.
Ainsi, si le cinéma ne peut à lui seul changer le cours des choses, au moins fait-il appel à notre sensibilité, notre humanité et notre conscience pour que nous nous mobilisions…
3 000 Nuits
Palestine, France, Liban, Jordanie, EAU, Qatar, 2015
Durée : 1h43
Réalisation : Mai Masri
Production : Intramovies
Distribution : JHR Films / Les films d’ici