La LDH soutient le film documentaire « Retour en Algérie », d’Emmanuel Audrain

La guerre d’Algérie – dont ils n’ont pu parler – a dévasté leurs jeunesses. Comme deux millions de jeunes Français, leur seul service militaire ce fut la guerre d’Algérie. Torture et « corvées de bois » sont les blessures dont leur génération n’a pas pu parler. A 65 ans, au moment de toucher leurs « retraites du combattant », ils disent : « Cet argent, nous ne pouvons pas le garder, pour nous-mêmes ». Alors, ils le collectent et le redistribuent à des associations, en Algérie. C’est ainsi qu’en 2004 naissent les 4ACG (Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre). Avec ces projets solidaires, leurs cœurs ont rajeuni. Eux, qui s’étaient tus si longtemps, parlent enfin, rencontrent des jeunes… Et retournent en Algérie. Ils ajoutent : « Cette Histoire a bouleversé nos vies. Aujourd’hui c’est une autre page que nous voulons écrire… Solidaire et fraternelle, celle-là ».

Ce film est à voir absolument parce que, comme le disent les protagonistes : « On ne peut pas tourner la page, elle s’écrit encore », et si l’association qu’ils ont créée leur permet de prendre la parole c’est aussi pour transmettre, dans l’espoir que les jeunes d’aujourd’hui soient capables de désobéir aux ordres inhumains.

Même si cela est évoqué, ce n’est pas l’aspect « guerre coloniale » et le racisme terrible qui la sous-tendait que le film s’attache à dénoncer (la parole est très peu donnée aux Algériens). Ce qu’il montre essentiellement c’est la situation de ces hommes (ils sont sept dans le film) qui ont été appelés et ont passé 27 mois en Algérie à faire la guerre et à obéir à des ordres qui allaient à l’encontre de leurs convictions éthiques : fouiller, brûler, tuer indistinctement… Ils témoignent de la violence inouïe de cet univers où des hommes et des enfants étaient torturés chaque jour, leurs cris de douleur se confondant avec les hululements des chacals, où des femmes et des jeunes filles étaient violées, des villages entiers mis à feu et à sang. On les ressent profondément blessés. Ils se sont tus pour la plupart et aujourd’hui, parce qu’ils ont pu se regrouper en association, ils se sont sentis autorisés à parler ; la présence de Simone de Bollardière, femme du seul général de l’armée française à avoir dénoncé ces agissements (il a été condamné à deux mois de forteresse), qui les a rejoints dès la création de l’association, les aide car elle sait quelles pressions ils ont subies et ce que signifiait manifester son désaccord. Cette parole les délivre de l’oppression que représentait leur silence.

Aussi la question que pose fondamentalement le film est celle de l’obéissance à l’injonction de torturer, humilier, anéantir. Et comment est-il possible que les dirigeants du « pays des droits de l’Homme » aient pu laisser faire, autoriser, couvrir de telles ignominies !

Le film les montre assez peu de retour dans l’Algérie d’aujourd’hui où l’argent de leurs soldes sert à soutenir des projets menés de façon autonome par des Algériens. L’un deux qui semble être le président de l’association, a participé physiquement au projet-phare : la restauration d’un village presque entièrement détruit. Toutefois ces échappées dans de somptueux paysages aident à reprendre souffle car le film est centré sur les interviews de ces anciens appelés. En effet le réalisateur dit s’être rendu compte au stade du montage que le vrai voyage de ces hommes était leur voyage intérieur « celui qui va de leurs 20 ans à aujourd’hui ». Ce long chemin où, avec cœur et intelligence, ils ont su retrouver l’estime d’eux-mêmes.

Ce film fait l’objet de projections-rencontres en présence du réalisateur et d’invités chaque samedi à 11h jusqu’au 25 mars au cinéma Luminor-Hôtel de Ville à Paris.

Attention : Il s’agit d’un film dur car les horreurs évoquées, même si on nous épargne un récit circonstancié, sont difficiles à supporter.

 

Retour en Algérie

Documentaire, France

Durée : 52mn

Réalisation : Emmanuel Audrain

 

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