À ne pas s’y tromper Piort Pavlenski ne fait pas de l’art contestataire mais bien de l’art politique, pour lutter et ne pas « être transformé en objet, obligé d’obéir aux règlements, et de se mouvoir (seulement) dans l’intervalle autorisé ». Son corps devient l’œuvre, ses performances, toujours en extérieur, confrontent la police et la société. « Le pouvoir tente de contrôler l’art, mais moi je le fais participer à mes propres images, je le place sous mon contrôle ». Si une partie de la population ne veut pas voir la vérité du régime de V. Poutine, il les contraint à regarder, et si il se fait mal, c’est pour être sûr que l’indifférence ne l’emportera pas. Pour P. Pavlenski une partie de la population est zombifiée, et il entend bien dénoncer « l’apathie, l’indifférence politique et le fanatisme de la société russe contemporaine » et « l’appareil idéologique que représente l’église orthodoxe ». Dans ses performances, son corps est son outil. Tour à tour, il se coud la bouche, s’enroule dans du fil barbelé devant le Parlement de Saint-Pétersbourg, se cloue le scrotum sur les pavés de la place Rouge à Moscou, enflamme le portail du siège du FSB dites « les portes de l’enfer ». Tel Vincent van Gogh, il se coupe l’oreille, non pas en raison de troubles psychologiques comme veulent le faire croire les autorités russes, mais pour protester contre l’utilisation de la psychiatrie dans la répression politique. Alors que l’opposition est graduellement écrasée en Russie, notamment depuis l’assassinat de Boris Nemtsov en février 2015 à Moscou, P. Pavlenski est une de ces voix dissidentes actuelles.
L’ouvrage retrace, à travers trois entretiens, une retranscription d’interrogatoires au Comité d’enquête de Saint-Pétersbourg et des essais sur l’art politique, le parcours et la vision de la société russe de Piort Pavlenski, aujourd’hui exilé en France. Malgré cet exil forcé, loin de la Russie, P. Pavlenski continuera, à n’en pas douter, à dénoncer mais aussi à créer.
C. C.-S.