Réaffirmer aujourd’hui le caractère laïque des institutions de la République, c’est d’abord rappeler quel est le contenu d’un concept fondateur inscrit dans la constitution depuis 1946 et figurant dans les statuts de la LDH depuis sa création. La laïcité inscrit dans l’ordre du politique et de l’organisation de la société une liberté affirmée en 1789 : la liberté absolue de conscience. Le droit reconnu à chacun de nous de penser librement, sans risquer d’être réprimé est un des droits fondamentaux de l’humanité
La laïcité est dans l’Histoire
Dans le rapport historique qui prévaut, en Europe, au temps des Lumières, la liberté de conscience s’exerce d’abord à l’encontre de l’emprise des Églises et d’un pouvoir temporel qui se confondait avec ces dernières, chacune de ces institutions puisant chez l’autre une légitimation réciproque, y compris lorsqu’elles rivalisaient entre elles. Transcrire ce principe dans la loi, lui donner une réalité perceptible par tous, cela a été le fruit d’un long combat qui n’a pas été sans bruits et sans larmes et qui n’est et ne sera jamais achevé
La loi de 1905 a défini le cadre nécessaire à l’exercice d’une réelle liberté absolue de conscience. Elle instaure un équilibre mais, surtout, allant jusqu’au bout de son objet, elle affirme l’indépendance de la République à l’égard des cultes et, en même temps, lui confie la garantie du libre exercice des cultes. En proclamant la neutralité des institutions à l’égard des Églises, la République leur dénie le droit de s’approprier la chose publique et donne à chacun la possibilité de vivre sa vie comme bon lui semble dans le respect d’une règle commune dont la valeur est supérieure aux règles qui peuvent exister dans sa communauté d’appartenance (de quelque nature qu’elle soit). La République reconnaît aussi aux Églises leur place dans la vie sociale en leur garantissant comme l’implique la liberté de conscience, le droit de s’organiser et de s’exprimer. La laïcité, pas plus que la loi de 1905, ne sont des armes destinées à éradiquer la spiritualité religieuse du champ social et politique
Le compromis établi par la loi de 1905 a permis au monde catholique de trouver sa place au sein de la République : les évolutions intervenues, pour l’essentiel à partir de la seconde guerre mondiale, ont accéléré ce mouvement, bien au delà de ce que la hiérarchie de l’Église pouvait imaginer. Les engagements souscrits au sein de la Résistance ou dans les luttes anti-coloniales ont accompagné un processus de distanciation des fidèles à l’égard des institutions religieuses. Ils n’adhèrent plus à une foi en bloc, ils exercent leur foi, à l’intérieur ou à l’extérieur des Églises, choisissant dans les canons religieux ce qui leur convient et rejetant ce qui leur déplaît
La laïcité n’aurait pas acquis, progressivement, une large adhésion si elle n’avait pas porté avec elle la promesse d’un progrès social et culturel inscrit dans l’égalité des droits : l’école de la République qui avait réalisé sa propre séparation d’avec les cultes dès 1882 en s’appuyant sur une morale laïque indépendante de toute référence religieuse, est devenue le symbole de cette volonté d’émancipation. Certes, on sait que cette égalité des droits reste à réaliser concrètement mais c’est bien parce qu’elle a été admise comme étant la règle de conduite théorique de la République qu’elle a pu pénétrer la société dans son ensemble
De cette histoire, de ce combat, nous n’avons rien à renier. La société française ne pouvait évoluer sans que l’Église catholique perde ses positions de pouvoir politique, social et culturel. La République ne pouvait s’inscrire dans la durée, la démocratie ne pouvait s’ancrer dans les mœurs, la question sociale ne pouvait être posée si la société ne se libérait pas de ce carcan.
Au début du XXIe siècle, nous devons prendre en compte cette histoire pour appréhender la situation actuelle