Tribune du Pacte pour les droits et la citoyenneté publiée sur le Monde.fr le 21 octobre 2011
Après tout, nous sommes en période électorale. Rêvons donc d’une France où les droits sociaux, les valeurs du travail ne soient pas en permanence mis en balance avec les valeurs du Cac 40. D’une France où les services publics soient modernisés et résolument mis au service des populations. D’une France où la population respecte sa police, qui la respecte, au lieu de la craindre, et fasse confiance à une justice enfin dégagée du poids de l’exécutif. D’une France où pour les femmes s’ouvre la voie des responsabilités électives par une application combinée de la parité et l’interdiction du cumul des mandats. D’une France, dans laquelle un ministre qui « déraperait » du côté du racisme serait immédiatement démissionnaire et sujet à poursuites. D’une France où tout résident étranger aurait le droit de vote aux élections locales. D’une France où chacun et chacune aurait au-dessus de lui un toit, puisque c’est un droit. D’une France enfin qui croit en l’éducation et porte au plus haut l’intérêt supérieur de l’enfant.
Cette France-là ne vivrait pas au rythme des affaires et sous le poids d’une règle d’or, dont l’or est la seule règle. Cette France-là serait solide de ses solidarités, entre territoires comme entre générations ; elle serait forte de l’implication civique de ses habitants, de ses outils de solidarité dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la famille… Le logement n’y serait pas à la rue et les salariés y bénéficieraient d’un statut et de droits attachés à leurs personnes et non à leur poste de travail…
Le pays des Bisounours ? Non, simplement une société ayant choisi de rompre avec la fragmentation sociale et les inégalités, la mise en concurrence de tous avec tous, la xénophobie d’Etat, le mépris de l’intérêt général… Toutes choses qui, si nous laissions faire, seraient appelées à s’amplifier, avec leurs corollaires obligés que sont la surveillance et le sécuritaire.
Alors que la planète menace d’exploser pour cause de toxicité financière, notre gouvernement n’affiche que deux priorités : remporter les prochaines élections, pousser le plus loin possible sa politique d’austérité. Epineuse équation ! D’où la désignation de boucs émissaires, d’où la promesse de toujours plus de places de prisons, d’où la concentration des pouvoirs et la leçon de morale aux démunis, d’autant moins bienvenue que l’actualité ne bruit que « d’affaires » aux relents de corruption.
Dans ce contexte délétère, et alors que sont devant nous d’importants rendez-vous électoraux, l’ampleur même des crises en cours impose de réhabiliter les fondements mêmes de la République, de refonder l’égalité des citoyens entre eux, de faire vivre la liberté, la fraternité.
C’est pourquoi nous proposons un Pacte pour les droits et la citoyenneté. Il est temps de penser autrement, de faire autrement, d’ouvrir des perspectives nouvelles. Contre les règles d’or de la finance souveraine, nous choisissons l’espoir ; face aux défis posés par les crises financières, économiques, sociales et écologiques, nous misons sur la démocratie.
Le Pacte pour les droits et la citoyenneté résulte de ce choix. Signé par cinquante organisations syndicales et associatives, il porte ces valeurs et les illustre par nombre de propositions concrètes, que nous inscrivons au débat public. Elles concernent la démocratie, la protection de la vie privée et des données personnelles, les droits et libertés face à la justice, à la police et au système pénitentiaire ; la lutte contre la xénophobie, le racisme, le sexisme et les discriminations, toutes tendent à rendre effectives l’égalité sociale et les solidarités.
Certaines de ces propositions sont immédiatement applicables, comme par exemple l’interdiction du cumul des mandats, ou l’obligation faite aux policiers de délivrer un récépissé à chaque contrôle d’identité. D’autres sont à plus long terme. Toutes nécessitent un engagement clair et fort, car leur mise en œuvre supposera ténacité et détermination.
C’est pourquoi nous entendons interpeller les responsables politiques et les candidats et que nous nous inscrivons dans le débat électoral. Il y va de notre vivre ensemble. Demain se discute aujourd’hui.
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Pour les cinquante organisations signataires du Pacte pour les droits et la citoyenneté :
http://www.pactecitoyen.org/
Francine Blanche, responsable nationale de la CGT ;
Victor Colombani, président de l’UNL ;
Annick Coupé, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires ;
Jean-Michel Ducomte, président de la Ligue de l’Enseignement ;
Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU ;
Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE ;
Aminata Koné, secrétaire générale de la CSF Stéphane Maugendre, président du Gisti ;
Patrick Peugeot, président de la Cimade ;
Maya Surduts et Suzy Rojtman, animatrices du CNDF ;
Pascale Taelman, présidente du Syndicat des avocats de France ;
Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature ;
Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme ;
Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac ;
Emmanuel Zemmour, président de l’Unef.
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