Par Daniel Boitier, coresponsable du groupe de travail « Laïcité »
Depuis de nombreuses années, la question des programmes scolaires d’histoire a été construite comme un « problème public » tournant autour de la fonction de patriotique du « récit national ». En 2009, dans La Fabrique scolaire de l’Histoire, une équipe d’enseignant-e-s, réuni-e-s par l’expérience collective pour « un aggiornamento de l’enseignement de l’histoire-géographie », interrogeait l’articulation du politique, du scientifique et du pédagogique dans la « fabrique » des programmes. Les éditions Agone proposent une nouvelle édition de cet ouvrage si nécessaire « face à la puissance d’arguments-poncifs servant possiblement une cause nationaliste et xénophobe » très actifs dans une actualité où il devient de plus en plus difficile de « tenir ensemble l’universel républicain et la reconnaissance de la pluralité culturelle ».
Les questions posées, pour être d’abord celles de praticien-ne-s de l’enseignement, concernent le débat public et les enjeux d’une citoyenneté partagée par toutes et tous. En ce sens, la préface de Suzanne Citron, en ce qu’elle inscrit le livre dans une histoire longue faite d’engagements multiples, articule la question des programmes scolaires et ses « débats crispés » à celle des promesses non tenues de la République. Interrogeant la « méritocratie pseudo égalitaire » et l’ambition intégrative de l’école, elle « en arrive à douter du caractère vraiment républicain de notre État ».
Les analyses proposées décrivent une réalité « en tension ». Elles montrent comment « dans l’écriture des programmes, l’entêtement à inlassablement reprendre un récit dépassé » s’oppose à la prise en compte « des questions posées par notre temps ». Elles manifestent que si « l’histoire enseignée » est devenue « plus scientifique, moins personnalisée, et moins patriotique », cette histoire reste « toujours centrée sur les grands événements nationaux » comme en témoigne sa perception par une majorité d’élèves. Cette tension devient contradiction quand les exigences sécuritaires du temps opposent à la nécessaire formation à l’esprit critique par ailleurs souhaitée, des impératifs en forme d’injonction.
Cet ouvrage, dirigé par Laurence De Cock, dessine un vrai collectif de travail entre praticien-ne-s de l’enseignement et chercheu-r-se-s. Il manifeste l’effort pour sortir des « pesanteurs et frustration autour de l’histoire scolaire ». Sans céder à l’illusion de neutralité de la science, on y cherche à « concilier éthique, rigueur et liberté », on y propose en somme « la liberté comme solution ».