Communiqué LDH
Le 27 novembre 2007, un lycéen âgé de 16 ans était grièvement blessé à l’œil alors qu’il participait à une manifestation à Nantes contre la loi Pécresse sur « les libertés et responsabilités des universités ». La blessure a entraîné une incapacité totale de travail de six mois. L’acuité visuelle de l’œil de l’intéressé est presque totalement perdue, sans amélioration possible. L’intéressé et sa famille ayant porté plainte ; le 3 avril 2012, le tribunal correctionnel de Nantes a jugé que la blessure avait bien été occasionnée par l’usage d’une arme − un lanceur de balle de défense, à l’époque en cours d’expérimentation, proche du Flash-Ball − par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.
Cependant, le policier auteur du tir a été relaxé par le tribunal. En effet, l’ordre de tirer ayant été donné par un supérieur hiérarchique, le policier n’est pas pénalement responsable sauf si cet acte est manifestement illégal.
Or, pour le tribunal, tirer avec une arme de type Flash-Ball sur un manifestant n’est pas illégal dès lors que le tir a été réalisé dans un temps voisin de jets de projectiles en direction de la police, et avait pour finalité de les faire cesser dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre. Enfin, il aurait été enseigné au policier que l’emploi de cette arme était justifié dans un tel cadre. Dès lors, il ne pouvait pas savoir que cette arme était susceptible de causer une blessure aussi grave.
Pour le tribunal, la blessure du manifestant a été occasionnée dans le cadre d’une opération de police administrative et les demandes de la victime ne sont pas de la compétence d’un tribunal pénal mais d’un tribunal administratif. Le tribunal a reçu la constitution de partie civile de la LDH, mais, compte tenu de la relaxe prononcée, elle a été déboutée de ses demandes.
Quand ils protestent ou manifestent, les étudiants et lycéens, expriment comme les adultes, une des nombreuses formes de la citoyenneté, de la démocratie et de leur apprentissage. Dans un conflit social et collectif, comme dans une manifestation, les comportements individuels se situent, et doivent être restitués dans leur dimension d’implication collective.
L’action de la police ne doit pas avoir pour effet de dissuader les citoyen-ne-s de participer à des manifestations, car c’est une des libertés fondamentales que de pouvoir contester collectivement ce que l’on estime injuste. Le droit de manifester n’est pas respecté si les manifestants peuvent être gravement blessés.
Plusieurs manifestants, jeunes pour la plupart, ont été gravement blessés, ces dernières années, du fait de tirs de Flash-Ball. Cette situation doit cesser. Les jeunes ne sont pas une classe dangereuse dont il faudrait avoir peur. La police doit accomplir sa mission de service public et de maintien de l’ordre, de manière adaptée et proportionnée. A défaut, si des abus sont commis dans l’exercice des compétences policières, ceux-ci constituent des violences policières illégitimes, qui, dans un Etat de droit, doivent être condamnées.
Le Flash-Ball est une arme de tir. L’utilisation de cette arme ne peut être légitime dans les conditions d’une manifestation comme celle du 27 novembre 2007 qui a abouti à la mutilation d’un jeune âgé de 16 ans. Depuis, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a recommandé « de ne pas utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique [estimant] qu’elle présente un degré de dangerosité totalement disproportionné ». Le Défenseur des droits, qui a succédé à la CNDS, « recommande aux responsables policiers de s’interroger sur l’opportunité d’emploi de tous les lanceurs de balles de défense ».
La procédure judiciaire ne doit pas se terminer par une relaxe qui deviendrait une référence pour l’avenir. Il n’est pas acceptable que la très grave blessure de ce jeune du fait de l’utilisation du flash ball, demeure impunie et que son statut de victime ne soit pas reconnu. La Ligue des droits de l’Homme accompagnera les actions demandant à la justice de se prononcer sur l’illégitimité de l’utilisation d’une arme de tir comme le Flash-Ball lors de manifestations, d’affirmer que cette utilisation est un abus qui doit être condamné dans un Etat de droit.
Paris, le 18 avril 2012