Dominique Attias présente pour la LDH le rôle de l’avocat d’enfants. Dès 1990 de nombreux Barreaux (Bordeaux, Versailles, Lille, Strasbourg et Marseille, puis Paris), créaient des groupements d’avocats d’enfants. Depuis 2008, « une charte nationale de l’avocat d’enfants » existe. Est prévu dans cette charte, la création au sein de chaque Barreau, d’un groupe de défense des mineurs émanant directement de l’Ordre des Avocats sur la base du volontariat desdits avocats, l’avocat étant rétribué au titre de l’aide juridictionnelle pour assurer sa totale indépendance. A l’heure actuelle, la plupart des Barreaux sont pourvus de groupements d’avocats d’enfants (70% des Barreaux). Pour en faire partie, les avocats suivent une formation initiale puis continue dans le domaine de l’enfance, formation dispensée par les écoles de formation des Barreaux.
Intervenir comme avocat d’enfants est un acte de militantisme. Les avocats d’enfants interviennent aussi bien au Pénal, lorsque l’enfant est auteur ou victime d’une infraction, qu’en assistance éducative dans le cadre de l’enfance en danger et aux côtés de l’enfant devant le Juge aux affaires familiales.
Les groupements d’avocats d’enfants ont évolué de manière importante entre leur création dans les années 1990 et aujourd’hui. De quelques avocats mobilisés, ces groupements sont passés à près de 150 avocats dans les Barreaux importants (Paris, Lyon, Bordeaux, etc…). Les Barreaux assurent désormais des consultations gratuites à destination des enfants, de leur famille et des professionnels qui les entourent à raison en moyenne d’une fois par semaine (Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, etc…) ou même à Paris tous les jours au Palais de Justice. Ces permanences sont gratuites, anonymes et pour la plupart sans rendez-vous. En outre, dans de nombreux Barreaux et grâce à l’informatisation, une défense personnalisée des mineurs a été mise en place. Afin de préserver leur indépendance et en raison de l’impécuniosité de leurs clients, les avocats d’enfants sont rémunérés au titre de l’aide juridictionnelle.
L’intervention de l’avocat d’enfants a pris de l’ampleur au niveau civil, dans le cadre de l’audition de l’enfant devant le juge aux affaires familiales ou de l’assistance éducative, et ce en raison de l’extension des droits de l’enfant à être présent et entendu dans les procédures qui le concernent et ce en conformité avec l’article 12 de la CIDE. La société actuelle a une double perception de l’enfant : d’un côté un enfant en danger, de l’autre un mineur délinquant. Or, l’enfant, « cet être humain âgé de moins de 18 ans (* article 1 de la CIDE), cet individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de 18 ans accomplis » (article 388 du Code Civil), est un être unique qui doit être assisté et défendu dans les aspects de sa vie quotidienne.
L’enfant a toujours le libre choix de son conseil, soit pour se faire représenter soit pour se faire assister, la seule limite, sa capacité de discernement. Dans le cadre de l’audition de l’enfant devant le Juge aux Affaires familiales, l’avocat sort de son mandat traditionnel de représentation. Il se contente d’assister l’enfant qui n’est pas partie à la procédure.
En raison des imprécisions du Décret du 20 mai 2009 concernant les modalités d’audition de l’enfant, des conventions de bonnes pratiques ont été signées entre les Barreaux et les Tribunaux (Paris, Nice, Pontoise, etc…) qui fixent de manière très précise les modalités d’intervention de l’avocat. Même en l’absence de convention, l’avocat d’enfants a l’obligation de recevoir son client dans son cabinet avant toute audition. Ce rendez-vous est tout aussi important pour ne pas dire plus important que sa présence devant le juge aux affaires familiales. En effet, il lui permettra de vérifier si la demande d’audition est véritablement la sienne ou si elle est contrainte (l’avocat a accès à la lettre envoyée au juge). Il précisera à l’enfant qu’il ne sera entendu que pour avis et que son avocat est tenu au secret professionnel.
La plupart des enfants se retrouve pris dans un conflit de loyauté, cette audition même s’ils la désirent est souvent une épreuve. L’avocat ne prend pas la parole lors de l’audition hormis pour aider l’enfant à s’exprimer. L’avocat d’enfants peut revoir l’enfant pour lui expliciter la décision rendue. L’enfant n’étant pas partie à la procédure, si celui-ci recontacte son avocat en cas de problème, ce dernier ne peut pas saisir le juge aux affaires familiales en son nom et doit donc s’il estime son client en grande difficulté, reprendre contact avec les conseils des parents pour les alerter et ce en accord avec son client ou conseiller au jeune d’écrire au Juge des enfants. L’avocat d’enfants dépend de surcroît du bon vouloir de ses confrères pour avoir connaissance de la décision rendue, certains greffes se refusant à lui en délivrer copie.
En assistance éducative, l’enfant en danger est partie à la procédure. Il peut saisir lui-même le juge, sans aucune formalité. L’avocat spécialement formé a toute sa place à ses côtés. Sa première mission est de veiller à la légalité des mesures ordonnées. Lors de la discussion sur la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance, les avocats d’enfants avaient demandé que leur désignation soit obligatoire lorsqu’il existe un risque de placement. Pour des raisons budgétaires cette demande n’a pas trouvé d’écho.
Les avocats d’enfants se doivent avant même de recevoir l’enfant :
d’avoir pris connaissance du dossier dans son intégralité. Seul l’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier et ce pour l’usage exclusif de la procédure d’assistance éducative.Il ne peut remettre les copies ainsi obtenues ou la reproduction de ces pièces à son client (art. 1187 CPC).
d’avoir pris contact avec les services éducatifs afin d’éviter à l’enfant de répéter les phases souvent douloureuses de son existence.
Si l’avocat n’est et ne doit être que l’avocat de l’enfant, il lui appartient de prendre contact avec les parents pour les avertir de sa désignation et leur expliciter son rôle. L’avocat n’hésite pas à sortir de son cabinet et se rendre dans les lieux de vie du jeune (foyer, hôpital) et ce malgré la modicité de sa rétribution (il n’est réglé au titre de l’aide juridictionnelle que lorsqu’un jugement est rendu) ce qui lui permet de créer un lien indispensable avec le jeune en souffrance.
L’avocat a souvent un rôle de l’ordre de la médiation. Il est à la fois le porte-parole de son client mais en même temps l’interlocuteur privilégié des divers acteurs, dans la mesure où sa parole est entièrement libre et son secret professionnel absolu. Il peut ainsi, dans des situations de crise, faire passer certains messages et dissiper certains malentendus. Il peut assister mais représenter également son client lors de l’audience de jugement, dans la mesure où le juge peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu’il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.
Si, devant les juges des enfants, les jeunes sont systématiquement convoqués, tel n’est pas le cas devant la Cour d’Appel où il arrive souvent que l’avocat représente son client.
La présence de l’Avocat en matière pénale est inscrite dans l’Ordonnance du 2 février 1945 : « le mineur poursuivi doit être assisté d’un avocat » (art.4.1.). Cette règle dérogatoire de l’article 6 de la CIDE qui dispose que « tout accusé a droit… à se défendre lui-même ». La spécialisation de l’avocat d’enfants dans ce domaine est indispensable, notamment en raison de l’accroissement des sanctions et peines, de la démolition en cours -pour ne pas dire quasiment achevée- de l’Ordonnance du 2 février 1945. En effet, le législateur a pris l’option de traiter les enfants comme des adultes : peines plancher ; création d’un tribunal correctionnel pour mineurs,
-accélération des procédures et enfermement programmé des enfants à partir de 13 ans ; possibilité d’inscription des sanctions éducatives au casier judiciaire du jeune dès l’âge de 10 ans, etc…
Etrangement, alors que le droit des victimes « envahit » l’espace judiciaire et médiatique au détriment parfois des droits de l’enfant auteur, l’assistance d’un mineur victime par un avocat n’est pas systématique, hormis en cas d’agression ou d’atteinte sexuelle où, à défaut de désignation par les représentants légaux ou l’administrateur ad hoc, un avocat sera désigné d’office par le Bâtonnier sur demande du juge d’instruction. Dans ce domaine, l’avocat doit bénéficier d’une formation dans le recueil de la parole de l’enfant, en psychologie et traumatologie.
La défense des mineurs et ses conditions d’exercice aujourd’hui sont plus que jamais d’actualité. Si la plupart des Barreaux se sont mobilisés pour assurer aux enfants une défense de qualité, il reste des progrès à accomplir tant dans le champ que dans l’étendue de leur défense. Il est indispensable :
que tous les barreaux, conformément à la charte nationale de l’avocat d’enfants, disposent de groupement d’avocats à qui serait dispensée une formation unifiée et pluridisciplinaire
que soit signée, dans chaque Barreau, une charte de bonnes pratiques
que l’enfant en danger ou victime se voit systématiquement désigner un avocat pour l’assister comme devant la juridiction pénale.