EDITORIAL
Il sera, hélas, encore question de la Pologne : le 26 janvier dernier, la veille de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, la Diète vote une loi qui vise à condamner quiconque « attribue à la nation polonaise ou à l’État polonais une responsabilité ou une coresponsabilité pour les crimes nazis commis par le Troisième
Reich […], ou bien pour d’autres crimes de guerre ou crimes contre l’humanité ». Cette mesure qui s’inscrit dans la lignée de la lutte politique et diplomatique contre l’expression « camps d’extermination polonais », entamée par le précédent gouvernement, signe une nouvelle étape de la politique historique de l’actuel gouvernement autoritaire et nationaliste du PiS. Elle légitime dans le domaine légal les attaques juridiques qu’ont subi les historiens comme Jan Gross de l’université de Princeton ou Jan Grabowski de l’université d’Ottawa pour avoir travaillé sur la collaboration polonaise avec le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que sur son impact en termes de crimes antisémites. Des attaques ad hominem concernent également des chercheurs travaillant sur ces questions en France.
Cette mesure législative participe d’une réécriture de l’histoire qui exonère les Polonais (« non juifs ») de toute responsabilité dans le génocide, réécriture qui survalorise les brigades armées anti-communistes, dont certaines se sont inscrites dans l’histoire pour leur antisémitisme en actes, réécriture qui exonère encore la société polonaise de tout antisémitisme au moment de la campagne haineuse de 1968, orchestré par le gouvernement d’alors et considéré de ce fait comme totalement exogène au pays.
Dans ce contexte, il est urgent de soutenir tout effort en France comme en Pologne pour contrer les attaques qui visent la liberté de la recherche, la construction d’une narration unique, homogène, identitaire et nationale catholique, narration qui participe de la promotion d’une conception de la citoyenneté fermée, exclusive, agressive.
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