Le quinquennat de Nicolas Sarkozy nous laisse un paysage désolé et désolant. Le score du Front national est d’autant plus inquiétant qu’il s’articule à un arrière pays de droites extrêmes, prêtes à se rejoindre, s’unir et à ouvrir la page d’un projet gouvernemental combinant ouvertement xénophobie et autoritarisme. La Droite traditionnelle, si elle a été battue, n’a pas été sanctionnée et ses débats internes quant à sa stratégie n’ont rien d’autocritiques. L’abstention, enfin, fait que François Hollande, puis le PS, ont été choisis par un quart des citoyens en âge de voter (en tenant compte des non inscriptions sur les listes électorales, des abstentions et des votes blancs et nuls).
Dans ce contexte, comment contribuer à refonder le socle républicain du vivre ensemble ? Entre le « tout, tout de suite » et le « on verra après la crise », il faut modifier en profondeur un rapport de forces qui demeure instable, poser avec sureté et détermination une série d’actes fondateurs d’un changement réel et perçu comme tel.
La Ligue des droits de l’Homme, dans ce processus, a des responsabilités particulières. Il lui revient de réaffirmer l’indivisibilité et l’universalité des droits fondamentaux, fondement du vivre ensemble républicain, d’une société de solidarité. Il lui faut corrélativement réhabiliter la notion d’intérêt général, sans laquelle il n’est pas possible de penser une éthique de l’engagement politique. Enfin, réaffirmer que cette démocratie est mille fois plus efficace que les « actes de contrition et de renoncement » auxquelles nous convient agences de notations et marchés financiers.
Sur cette base de conviction, il est possible et surtout, nécessaire, d’engager un vaste débat national sur les changements à venir. Sans cette mise en débat, sans un puissant processus de construction et d’appropriation, la volonté de changement risque de s’émousser sur les dents du réel. Forte de cette conviction, la LDH s’est adressée au président de la République à propos des institutions, dont il est garant, et des modifications nécessaires pour leur assurer un fonctionnement plus démocratique.
Elle a également adressé trois missives au premier ministre: la première concerne le fonctionnement de la Justice, le respect des droits, la nécessité de mettre fin aux dérives sécuritaires et intrusives. La seconde porte sur les droits des étrangers et sur l’impérieuse nécessité de rompre avec une ère de défiance et de répression, au bénéfice d’un moratoire des expulsions, de réformes immédiates et de l’organisation d’un vaste débat national. La troisième porte enfin sur une demande de loi d’amnistie pour les citoyennes et citoyens dont l’engagement syndical et social a donné lieu à des mesures s’inscrivant dans la tentative de criminalisation de la protestation sociale et civique.
La Ligue de droits de l’Homme entend ainsi réaffirmer solennellement sa responsabilité et sa disponibilité pour tout examen visant à inscrire ses propositions dans une réflexion gouvernementale et législative.